Fox The Fox

Une Ford Mustang "Fox" GT 5,0l ! Tout le symbole d'une industrie Américaine qui avait cassé sa boussole et qui dut improviser.

La crise du pétrole de 1973 fut un onde de choc pour toute l'industrie automobile mondiale. Directement ou indirectement. Par exemple, l'URSS et ses satellites étaient trop connectés des marchés financiers pour être touchés. Mais avec la crise, il y avait un besoin pour des voitures très bon marchés en occident. Ce qui ouvrit des débouchés aux constructeurs de l'Est. De quoi offrir un sursis à des pays économiquement, politiquement et socialement de plus en plus acculés.
Néanmoins, le plus sidéré fut l'industrie automobile Américaine. En 1972, il s'était vendu 10,9 millions de voitures aux Etats-Unis. Au premier semestre 1973, les Trois Grands avaient écoulés 4,8 millions de voitures (soit 0,6 millions de mieux que sur le premier semestre 1972.) Même American Motors progressait ! Puis patatras : 8,8 millions de ventes en 1974 et 8,6 millions de ventes en 1975... Mais entre temps, les Japonais avaient grignoté environ 10% du marché. Et ce n'était qu'un début...

L'architecture de la voitures US n'avait pas beaucoup bougé depuis la Ford T : une grosse voiture utilisant des solutions techniques éprouvées et un gros moteur à faible rendement. Il s'agissait de privilégier la durabilité et des prix bas. Certes, depuis le début des années 60, les Trois Grands proposait des "compacts". Mais les péniches assuraient le gros des ventes. Or, désormais, le consommateur était obsédé par le "miles per galon" (pendant US des litres aux 100km.) Ainsi, en 1974, la Ford Pinto était N°1 des ventes US, devant la Plymouth Vailant, la Chevrolet Vega et la Chevette. Trois petits gabarits dans le Top 4.

Quid des modèles sportifs (Camaro/Firebird, Corvette, Mustang...) ? Justement, c'était là où les constructeurs étaient le plus désemparé. Historiquement, lorsque GM ou Ford connaissait un trou d'air, il regardait par-dessus l'épaule de son meilleur ennemi, voire du côté de Chrysler et des indépendants.
Mais ce coup-ci, GM et Ford étaient autant dans la mouise. Chrysler était en plein naufrage, tandis qu'American Motors et International Harvester sombraient pour de bon.

Solution : attendre que le voisin ne bouge et essuie les peaux cassées. Preuve de ce désarroi, Ford essaya plusieurs concepts pour la Mustang III. Ghia était sollicité. Paul Breuer créa plusieurs dessins "Européens", façon Frua. Ercole Spada dessina une banale "personnal car" très japonisante. Clairement, l'idée était de s'éloigner le plus possible des deux premières génération. Seule concession : la silhouette 3 volumes avec un montant "C" très large.
Lee Iacocca tenait à un plateforme transatlantique : la Fox. Cette plateforme modulaire avant l'heure devait remplacer le milieu de gamme de Ford US et le haut de gamme de Ford Europe. Le problème, c'est qu'elle fut pensée pour des propulsions. Or, en Europe, on ne jurait plus que par les tractions. Les Etats-Unis furent touchés peu après. Ford US lança quelques berlines propulsion, mais il passa ensuite à la traction. La Mustang fut la dernière locataire de cette plateforme, d'où son surnom de Fox.


Au milieu des années 70, la Mustang II était brûlée, passant sous les 200 000 unités annuelles. Plus question d'attendre. Jack Telnak dessina un compromis entre "personnal car" et "coupé européen". Avec sa calandre monobloc intégrant 4 phares et ses feux arrières horizontaux, la Mustang III tranchait avec ses prédécesseurs. Notez qu'elle était proposée en 2 portes, 3 portes et cabriolet. Une version Mercury, reprenant le nom de Capri, fut un temps proposé. 
La Mustang III arriva pour le millésime 1979. Pour la promouvoir, Ford en fit le pacecar d'Indianapolis (comme la toute première Mustang, 15 ans plus tôt.)

En 1979, Ford écoula 369 936 Mustang rien qu'aux USA. Du jamais vu depuis 1974 (sachant que fin 1973, de nombreux acheteurs avaient attendus que les choses ne se tassent.) Hélas, ce fut un feu de paille. Il toucha le fond en 1983, avec 120 873 unités. C'était pire qu'en 1964, où elle n'avait été produite que sur six mois !
Ford fit feu de tout bois. La Cobra, apparue dès 1979, n'était qu'un kit carrosserie proposée sur plusiurs motorisations. La GT de 1982 remplaçait de facto la finition Cobra, mais uniquement avec le V8 5,0l "big block" (qui cubait en fait 4,9l.) En 1984, il proposa une SVO avec un 2,3l "Lima" gavé à 200ch. Elle fut suivi par la M81, revue par McLaren USA (détaché du "vrai" McLaren depuis l'arrivée de Ron Dennis.) Puis Ford songea à une Mustang pour les 25 ans, avec un V8 "Windsor" turbo... Mais le prototype cassait comme du verre.

Au milieu des années 80, le mythe semblait mort et enterré. Ce qui vous posait un yuppie, c'était une BMW 325i ou M3 (E30) ou bien une Saab 900 Turbo ! Les constructeurs Américains s'adossaient alors sur les Japonais. Ainsi Ford s'était offert des parts de Mazda et il piochait dans sa banque d'organe. La Ford Probe -issue des recherches de Ford Europe- reprenait la plateforme traction de la 626. A l'approche de son lancement, en 1988, l'ovale bleu songeait à en faire une remplaçante de la 'Stang. Levé de boucliers des fans.
En 1987, la Mustang III fut relookée. La calandre quatre phares laissa place à ses curieux bloc (le "clignotant" près de la calandre était en fait les veilleuses.) A l'arrière, les blocs étaient recouverts d'un film, pour changer d'apparence. Comme d'habitude, après un bref regain d'intérêt, les ventes retombaient plus bas, passant sous les 100 000. Sachant que les loueurs achetaient en masse des Mustang cabriolet 4 cylindres, qu'ils louaient aux touristes étrangers. Ford fourguait également des 'Stang hautes performances aux polices autoroutières.

Une fois l'option "Probe" épuisée, il fallu concevoir une Mustang IV. Elle arriva en 1993 et l'ovale bleu lui colla des fausses entrées latérales arrières, clin d’œil à la Mustang I. Tout en concevant des optiques proches de la III. Ils avaient enfin trouvé une idée qui plaisait durablement au public. Alors ils ont creusé le filon. Au fil des liftings, la quatrième génération se rapprocha toujours plus de la I (feux verticaux, calandre plus marquée...) Puis on arriva à la cinquième génération, qui reprenait carrément le vocabulaire de la Mustang originelle.
La Mustang "Fox" fut longtemps négligée, comme nombre de productions des années 80. Même si les II et IV sont encore plus mal-aimées aujourd'hui.

La "Fox" fut perçue comme un échec. L'ovale a tout de même écoulé 2,6 millions. En terme de ventes, la moyenne annuelle est à la moitié de celle de la Mustang 1... Mais au double de la sixième génération. Cette dernière avait d'autant moins d'excuse que Ford la poussa à l'export, là où seule une centaine de milliers de III quittèrent le sol US.
Des flops comme ça, le Ford de 2023 en voudrait volontiers !

Dany DeVito conduisait une Mustang GT 5.0 Cabriolet dans le film Jumeaux. Thomas Rx m'a signalé que c'était aussi la voiture de Michael Douglas dans Basic Instinct (avec des pare-chocs gris) et du méchant de Ghost (NDLA : c'était bien une Mustang GT rouge, mais en coupé.)

A chaque fois, on a affaire à trois losers qui tentent d'être aussi gros que le bœuf. Un escroc à la petite semaine, un flic qui pensait avoir un excellent flair et un banquier véreux. Ça ne peut pas être une coïncidence. Dans tous ces films, le personnage se croit malin, il a acheté une Mustang GT rouge, persuadée d'avoir un muscle car et en fait, c'est un gros veau.

A l'époque, les voitures étaient quasiment données comme ça au studio. Ford était sans doute fier d'avoir casé des "Fox" dans trois films à gros budget. Cela donnait de la visibilité à un modèle en toute fin de carrière.
Aujourd'hui, les constructeurs lisent les scenarii au préalable. Personne n'accepterait de fournir des personnages négatifs. Donc soit le personnage serait modifié, soit il serait contraint de rouler en Saab ou en Rover...

Commentaires

Articles les plus consultés