Visite d'un concessionnaire Lotus Nyo

Troisième et dernier article (sur ce blog-là, en tout cas...) sur mon récent voyage en Chine. J'ai poussé la porte d'un concessionnaire Lotus Nyo, à Hangzhou. Une visite intéressante. Geely se débrouille moins mal que l'on pense avec l'héritage de Colin Chapman.

Parenthèse. Je ne sais pas ce que ce Lotus vend. Par contre, sa charte graphique rappelle celle utilisée depuis les années 2010, par Lotus. Le nom chinois de la marque est 莲花, traduction littérale du mot Lotus... Dont Lotus Cars ne possède pas les droits (on y reviendra.)

Des Lotus Nyo, on n'en voit pas beaucoup sur la route. Par contre, les concessionnaires Lotus Nyo, on les voit de loin, a fortiori la nuit :


D'ailleurs, pourquoi "Lotus Nyo" ? En 2002, Proton s'associait à un fabriquant d'engins de TP Chinois, Goldstar. L'objectif étant de produire des Proton en Chine. Les années passèrent et rien ne bougeait. Goldstar prétendait tout de même avoir bâti une usine.
Proton dénonça l'accord et en 2007, un nouveau partenaire se présenta. Youngman avait fait fortune avec ses autocars Neoplan produits sous licence. Peng Young, son très dynamique PDG, posa ses conditions. Ses Proton seraient rebadgées "Lotus", pour le seul marché Chinois. En échange, il devait s'engager distribuer les "vraies" Lotus en Chine.
L'aventure Youngman-Lotus dura cinq ans et Peng Young en fit voir de toutes les couleurs ! Il fit ce qu'il voulait. Il refusa de distribuer les Lotus Cars et il se rapprocha même du renégat Tony Fernandes et son Team Lotus ! Dany Bahar, en préavis de licenciement, fut envoyé jouer les casques bleus, en Chine. Il découvrit que Youngman avait déposé pas mal de nom, dont Lotus (莲花.) Lotus Cars dû monter son propre réseau de distribution en Chine et ils employèrent une traduction phonétique de Lotus (路特斯.) "Lotus Nyo" signifie "Lotus néo", mais cela ressemble davantage à l'idiolecte de Felix dans RE:Zero.

Peng Young avait vu trop grand. En 2012, quasiment du jour au lendemain, il baissa le rideau. En 2015, Proton se rabibocha avec Goldstar. Peng Young sorti du bois, il dévoila une Lotus-Youngman à moteur électrique, histoire de troller. Nouveau capotage des accords Proton/Goldstar.
Je dois partir en Malaisie, j'espère pouvoir vous y compter l'aventure de "1Malaysia". Le dénouement de cette affaire, ce fut la ruine de Proton. En 2017, Geely devint le premier actionnaire de Proton (afin de produire des Geely en Malaisie) et par voit de conséquence, il prit le contrôle de Lotus. Dés 2018, Geely songea à produire des Lotus en Chine. Puis il échafauda une co-entreprise avec NIO, Lotus Technology... Mais Youngman conservait les droits de Lotus. D'où ce Lotus Nyo.

Retour à Hangzhou. Cette alignement, une Evira et deux Eletre, attire mon regard.

Lotus Cars a défini une nouvelle charte graphique pour ses concessionnaires. Du jaune, du noir... C'est beaucoup plus vivant que l'ambiance clinique, voire stérile des autres constructeurs de VE :

Commençons le tour du show-room par la seule voiture sortant d'Hethel : l'Emira.

Geely voulait sans doute faire de Lotus un constructeur 100% VE. Mais ça n'aurait pas pu se faire avant 2025. Or, cela faisait déjà une dizaine d'années que le constructeur n'avait rien sorti et cela commençait à faire longuet. L'hypercar Evija, conçue à la va-vite, s'annonce comme un bide. Les premières Evija de série arrivant tout juste, cinq ans après que la voiture fut dévoilée. Et surtout, alors que la hype -vitale à ce niveau de gamme- est morte et enterrée.
Donc, Geely a poussé l'unique projet ayant un début d'embryon de développement, l'Esprit. Dévoilée en 2021, la production de l'Emira ne débuta qu'à la toute fin de 2022, avec un ramp-up courant 2023. L'Emira GT4 joua longtemps les Arlésiennes. Fin 2024, enfin, l'écurie 24/7 Motorsport toucha sa voiture et elle débuta dans le modeste championnat GT Cup. Pour 2024, le Mahiki Racing en engage deux en British GT.

En tout cas, les débuts de l'Emira sont très, très laborieux, tandis que Lotus semble davantage focalisé sur l'Eletre et l'Emeya. Pas de quoi aider Lotus à tourner la page sur près de trente années de monoculture Elise...


C'est parti, commençons à creuser ! Voici l'Eletre, première Lotus construite par Lotus Technology à Wuhan. Honnêtement, sur le tard, Colin Chapman avait vraiment besoin de cash (la faute notamment à un ruineux train de vie.) Donc, il aurait accepté de mettre un blason Lotus là-dessus.

Après, l'Eletre est juste un SUV très générique. C'est le genre de voitures que les riches Chinois achètent. Même en pseudo vert anglais, ce n'est pas excitant. Elle pèse 2,6 tonnes, soit quasiment le poids de QUATRE Lotus Elise S1. Et elle possède le record du tour du circuit du Zhejiang.


Et la petite nouvelle, l'Emeya. Elle partagerait ses dessous avec la NIO ET7, dont effectivement, les cotes de la plateforme sont proches. NIO étant coactionnaire de Lotus Technology et de son site de Wuhan.

Au-delà de cela, c'est une berline banale. Les optimistes diront que Geely ne fait que tâter les terrains. Qu'il commence par du conservatisme, avant d'insuffler davantage de personnalité. Les pessimistes prendront l'exemple de MG. Lassé par la mévente des modèles made in Longbridge, SAIC avait préféré liquider l'antenne Britannique et ne se garder qu'un bureau symbolique. Est-ce le destin d'Hethel ?

Ce qui me chagrine, c'est que quoi qu'il arrive, dans 20 ans, lorsque des jeunes verront une Elise ou une Esprit, ils diront : "C'est quoi ce truc ? C'est une Japonaise ? Ah non... Lotus. J'y étais presque, vu que c'est Chinois. Ils ont fait des coupés ? Je savais pas. En tout cas, ça a pas dû marcher..."


Les Chinois n'ont jamais vraiment connu Lotus. Alors les concessionnaires sont tapissés de posters et de vieilles photos. Sans oublier les vidéos qui tournent en boucle sur Hethel, Colin Chapman, Lotus en F1, etc. Il y a une volonté de pédagogie. En même temps, c'est aussi un argument de vente, face aux constructeurs de VE fondés l'avant-veille.

Au centre de la salle, une Lotus/Ford 79 ex-Mario Andretti. La 79 était une évolution de la 78 de 1977. Arrivée mi-1978, elle permit à l'écurie de consolider son avance dans les deux championnats du monde et de consacrer l'effet de sol. Ce seront les deux derniers titres pilotes et constructeurs de Lotus. Car en 1979, tous les autres créèrent des "wing car". Notamment Ligier, avec une voiture conçue par la SERA-CD. Charles Deutsch revendiquant l'application de l'effet de sol, dès 1964. On pense aussi à la Chaparral 2J "aspirateur" de 1970. L'idée était là. En tout cas, Lotus fut le premier à faire triompher la formule. Ce fut une révolution. A Monza, temple de la vitesse, les temps au tour perdirent 4 secondes entre 1977 et 1979.
Accessoirement, la 79 est très belle, dans cette livrée noire et or. Même à l'arrêt, elle semble plaquée au sol. Elle est équipée d'une bon vieux V8 Ford DFV. Pourtant, son capot plat allait devenir typique des années turbo. La FIA ayant alors banni les arrivées d'air au-dessus du pilote.


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