Rétromobile 2020 : 3. Laffly-Licorne V15T et Somua S-35

A Rétromobile, il y a (presque) toujours des véhicules militaires. A peine arrivé, je tombe sur deux témoins de la "drôle de guerre" : un Laffly-La Licorne V15T de 1938 (avec son canon antichar Hotchkiss de 25mm) et un Somua S-35.
Laffly-Licorne, voilà un partenariat qui peut faire sourire !

Il faut dire que tous les deux furent balayés dans l'immédiat après-guerre. Laffly était un ETI du poids-lourd et il fut l'une des premières victimes de la concentration du secteur, en 1950.
Licorne (dont la raison sociale était Corre La Licorne) était un constructeur automobile. A l'instar de Berliet, Mathis, Donnet ou Chenard-Walcker, il manqué l'accélération de la fin des années 20. Pour poursuivre son activité, il achetait moteur et châssis à Citroën (en l'occurrence, ceux de la 11cv.) En 1938, il dévoila une petite berline. Mais il n'avait aucun moyens (techniques et financiers) pour la produire. En 1947, la voiture de 1938 réapparut, aux côtés d'un gros cabriolet. Ce furent les dernières Licorne. En 1950, la marqua ferma officiellement ses portes, après un projet de petit cabriolet (la voiture de 1938/1947, relookée par Antem.)

Autant dire qu'un partenariat Laffly-Licorne, c'était le borgne qui guidait l'aveugle !
Les ennuis de Laffly et Licorne ont débuté dès les années 30, tombant dans la spirale infernale de la marginalisation. Pour s'en sortir, Laffly se tourna vers l'armée. En 1932, elle produisit une première automitrailleuse, la 50 AM. En 1935, ce fut un tracteur d'artillerie, le S45T. La France n'était pas restée passive face au bellissime de ses voisins et les commandes se multipliaient. En 1938, il entra dans les véhicules de reconnaissance, avec le V15. Comme tous les Laffly, le V15 possédait un moteur Hotchkiss. A savoir un 2,3l 55ch (essence) entrainant les roues avant.
Le V15 eu une version tracteur d'artillerie, le V15T (ici exposé.)

Avec l'imminence du conflit, l'armée de terre multipliait les avenants. Laffly s'avéra incapable d'honorer les commandes. Il fit donc sous-traiter à Licorne, pour qui ce fut un ballon d'oxygène.
Un char Somua S-35. La Société d'Outillage Mécanique et d'Usinage d'Artillerie fut surtout connu comme carrossier industriel, spécialiste des autocars et autobus. Elle fut fondu dans la Saviem en 1955.

La Somua a produit des chars d'assaut, durant la première guerre mondiale. Mais "le" char Somua, c'était celui-ci, le S35.
Au lycée, on vous explique que le Front Populaire avait démobilisé et réduit drastiquement les programmes militaires (par pacifisme et par volonté de tailler dans les coûts pour réduire la dette.) Du coup, en 1940, l'armée s'est retrouvé avec trois fusils et deux chars, face à une armada de panzers nazis.

Ça, c'est un récit construit au lendemain de l'armistice de juin 1940. Il s'inscrivait dans une version vichyste de l'histoire. A la Libération, les collaborateurs se justifièrent d'avoir fait ce qu'ils pouvaient, avec les moyens du bord et d'avoir été la moins pire des solutions. Cette lecture de la "drôle de guerre" pointait surtout du doigt les socialistes, ce qui arrangeait bien tous les autres (y compris les communistes.) On a donc laissé ce chapitre dans les livres d'histoire.
Retour à l'été 1939. Hitler a annexé l'Autriche, les Sudètes et les Pays Baltes, en ne rencontrant que de moles protestations des Britanniques et des Français. Il visait désormais la Pologne. Ribbentrop, ex-ambassadeur en Grande-Bretagne, jurait que de nouveau, les alliés ne bougeront pas. Les nazis craignaient davantage l'URSS. Le 23 août, Ribbentrop s'envola pour Moscou. Staline, le héraut autoproclamé de l'antinazisme, fit le salue nazi et accepta un partage de la Pologne, au seul motif de recouvrer les frontières de la Russie impériale. La problématique soviétique était résolue.
Le 1er septembre, les nazis envahirent la Pologne par l'ouest. La France, qui était en alerte depuis le 24 août, déclara la guerre à l'Allemagne le 3 septembre. Hitler était paniqué. Son chouchou Ribbentrop, disgracié du jour au lendemain.

En 1939, l'Allemagne avait mobilisé 3,4 millions de soldats. C'était plus que la France (2,75 millions.) Oui, mais la Wermacht n'existait que depuis 1935 ; le traité de Versailles ayant imposé une dissolution des forces militaires. Ses officiers étaient inexpérimentés. La moitié de soldats mobilisés étaient jugés inaptes au service. La France, elle, possédait 750 000 militaires de carrière. Et puis, les soldats nazis avaient un front à l'est...
Quid des fameux panzers ? Le Panzer I, conçu au crépuscule du nazisme était trop petit et peu fiable. Le Panzer II débutait tout juste et il était déjà à la peine. Les nazis lui préférèrent le ČKD 38, prise de guerre des Sudètes.

En 1939, le meilleur char du front était Français. Malgré ses défauts, le Somua S-35 était largement supérieur au Panzer II.
Le 7 septembre 1939, la France ouvrit les hostilités en envahissant la Sarre. Les nazis étaient aux abois ; rien ne pouvait arrêter les Français dans le sud-ouest de l'Allemagne. Mais à la surprise générale, les Français stoppèrent leur progression, puis ils retournèrent derrière la ligne Maginot. Il est vrai que début octobre, les nazis avaient achevé la conquête de la Pologne et ils pouvaient redéployer leurs troupes, avec la perspective de combats violents.
La France attendit donc l'Allemagne depuis ses fortifications de la ligne Maginot. Un jeune général de brigade exhortait pourtant son état-major à l'offensive, un certain Charles de Gaulle... Le 10 mai 1940, alors que les nazis disposaient de Panzer III plus performants, ils envahirent le Benelux et prirent les Français à revers. La stratégie d'attente des Français fut perdante. Le 22 juin, la France signait un traité d'armistice et le 11 juillet, l'assemblée nationale votait les pleins pouvoirs à Pétain. Le Marquis de Dion fut l'un des rares à voter contre.
Donc non, l'armée Française n'a pas été sous-équipée. Le fameux char Tiger n'arriva qu'en 1942.

La meilleure preuve, c'est le destin des armes Françaises. Les nazis voulaient officiellement se venger du traité de Versailles. Logiquement, de manière symétrique, ils auraient du imposer une destruction du matériel et une dissolution de l'industrie militaire.
Or, au contraire, ils s’empressèrent de repeindre les véhicules Français à leurs couleurs. Les chars Somua ou les autochenilles Unic furent envoyés sur le front Russe. Quant aux usines d'armements, elles travaillèrent à plein régime pour l'occupant jusqu'à la Libération ! La fameuse 2e D.B. et ses Sherman affronta ainsi des nazis à bord de Somua.

Commentaires

  1. Si l'on en croit https://en.wikipedia.org/wiki/Beutepanzer ce serait de l'ordre de 1800 chars français modernes (donc pas les FT-17) qui ont été versés en Beutepanzer en mai/juin 1940.

    https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c5/Bundesarchiv_N_1576_Bild-007%2C_Paris%2C_Parade_deutscher_Panzer.jpg?uselang=fr

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  2. Bonjour, possible de réutiliser une ou deux photos de la Laffly Licorne pour une vidéo Youtube ? J'écris une vidéo sur les plaques d'immatriculations militaires et la Licorne dispose d'une plaque très, très intéressante, et j'ai du mal à trouver des photos libre de droit du véhicule. Je vous créditerais dans la vidéo bien entendu, c'est simplement pour illustrer

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  3. Bonjour, oui pas de problème. Je peux même vous fournir des photos HD

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