Auto Sport Magazine, aux frontières du réel

Des magazines, des livres, j'ai la chance d'en recevoir régulièrement. Mais ma plus belle pépite de 2019, c'est indubitablement ce numéro d'Auto Sport Magazine !

C'est une vraie plongée dans un autre monde. Un monde où à chaque page (ou presque), vous vous dites : "C'est quoi, ce truc ? Comment est-ce qu'ils osent envoyer ça en librairie ?"
A première vue, c'est un magazine vraiment pas terrible. Maquette plate, iconographie banale, articles imbitables... L'impression générale, c'est un amateurisme crasse, voire que les auteurs parlent d'un sujet (le sport auto) auxquels ils ne connaissent rien.
Tiens, Alexandre Stricher d'AutoCult, je ne savais pas que tu étais dans Auto Sport Magazine... Remarquez, lui non plus !
Lafont Presse
"Auto Sport Magazine", késako ? On pourrait croire à une édition française du réputé magazine Britannique Autosport. Le nom fait bien sûr penser à Sport Auto Magazine. Et bien sûr, avec ce logo rouge et blanc, où le mot "Auto" est dans une autre police de caractère, on pourrait le confondre avec Auto-Hebdo.
En fait, c'est une production Robert Lafont (à ne pas confondre avec l'éditeur Robert Laffont, avec deux "f".)

On imagine les patrons de presse animés par une désir de gloire, d'ambitions journalistiques ou plus prosaïquement, de fortune. Robert Lafont, lui, il cherche simplement à gagner un peu d'argent avec le minimum d'effort. Sa stratégie : envahir les rayons des libraires. Les submerger de nouveaux titres.

Imaginons que demain, les Français aient un intérêt pour le bricolage. Robert Lafont sortira un Brico Magazine à la maquette ressemblant furieusement à Modes & Travaux. Si ça marche, il lancera des clones du premier, comme Brico & Maison ou J'aime bricoler. Dans les trois, il y en aura peut-être un qui marchera... De toute façon, quand bien même les ventes décollerait, pas questions d'investir davantage dedans.
Lafont Presse possède un joker. Si un libraire oublie de renvoyer les invendus, ils sont à sa charge. Sur internet, plusieurs enquêtes accusent Lafont de faire exprès d’inonder le marché, pour mieux embrouiller les libraires.

Quoi qu'il en soit, son débit est impressionnant. Auto Sport Magazine a été lancé à l'automne dernier et pourtant, il n'est même pas en page un des derniers lancements "auto" du groupe !
Vite fait, mal fait
On pourrait croire que pour alimenter ses titres, Robert Lafont possède une armée Mexicaine de journalistes. Ou a minima, une tripotée de stagiaires. En fait, tout ces titres sont écris pour Robert Lafont, un unique journaliste pro (qui écrit sous plusieurs pseudonymes) et surtout, un groupe de retraités de Versailles.

Bien sûr, personne ne peut être expert en tout. Auto Sport Magazine est truffé d'erreurs. Rien que sur la couverture, il y a ce "Hamilton égal le record de Fangio" (qui revient plusieurs fois dans l'article.) Certes, avec cinq titres de F1, Lewis Hamilton égal bel et bien Juan-Manuel Fangio au palmarès... Sauf qu'en 2003, Michael Schumacher a décroché un sixième titre de F1 et même un septième, en 2004. Cinq titres, ce n'est donc plus un record en soi.
Plus loin, il y a cet "Alonzo" qui pique les yeux. Bon sang, Fernando Alonso n'est pas un membre de Psy4 de la rime !

C'est juste bâclé. Avec un minimum de relecture, ils auraient pu corriger les fautes, mais ils s'en fichent.
Ctrl+C/Ctrl+V
Mais ça, c'est la partie immergée de l'iceberg. Pour remplir tous les magazines de Lafont Presse, il faut aller au plus vite. Pas le temps de taper de vrais articles.

La prose des articles est très curieuse. Par exemple : "Lewis Hamilton est un pilote automobile Britannique..."

Et pour cause, c'est tiré de la notice Wikipédia du pilote ! On n'en est pas à Michel Houellebecq, avec deux ou trois lignes. Auto Sport Magazine en recopie les trois premiers paragraphes !
Pour un magazine sportif, ça fait toujours bien d'avoir des interviews ou à défaut, quelques impressions "à chaud". Seulement, vu les moyens du magazine, pas question d'envoyer quelqu'un en bord de piste ! Pourtant, des réactions, il y en a :
D'où viennent-elles ? Des communiqués officiels des constructeur ! Là encore, c'est du copier/coller. Ici, Auto Sport Magazine a repris les trois réactions des trois pilotes Citroën Sport, sans même changer l'ordre !
Les photos ? Là encore, on voit mal le magazine embaucher des photographes...
La solution ? De nouveau, ils piochent dans les sites presse des constructeurs. Comme cette photo de Didier Pironi et Jean-Pierre Jaussaud dans l'Alpine A442 :
Les pubs
Robert Lafont, c'est zéro budget et zéro scrupules. On connaissait le air guitar. Lui, c'est de l'air journalism !

Pour les annonceurs, pas de problème. Auto Sport Magazine fait de la pub pour d'autres titres du groupe. Notez que chez Lafont Presse, les titres sont souvent "nouveau"...
Il y a aussi une "librairie". L'astuce, c'est qu'il propose des invendus récents, provenant notamment d'ETAI.
Dans le lot, il y a GTI, les héritières, avec des photographies d'Arnaud Taquet.

Mes livres, eux, sont absents. Bonne ou mauvaise chose ?
Race queen
On sent qu'à la fin, ils ont cherché un sujet pour meubler. Les filles en bikini, c'est toujours un succès ! La F1 a chassé les grid girls pour 2019, d'où cette séquence "Souvenir... Souvenir..." (sic.)
Déjà, Sebastian Vettel en tenue "Red Bull", ça ne date pas vraiment de 2018. Mais au moins, c'est en lien avec la F1...
DTM, Superleague Formula (!), obscure équipe de F3 Japan, spectatrices, représentantes de sponsors, starlettes... Visiblement, ils ont sorti tous ce qu'ils ont trouvé sur Google !

Pour les grid girls de la F1, il faudra repasser... Cela pourrait prêter à sourire si les Caroline de Haas et cie. ne faisaient le même genre d'amalgame pour mieux imposer leurs opinions derrière.
Conclusion
Encore une fois, ce serait pourtant si simple de corriger les erreurs et de mettre des photos plus adéquates.

Ce que fait Robert Lafont, c'est bâclé. C'est ni fait, ni à faire. Ca transpire le jmenfoutisme. Néanmoins, c'est légal ; il ne vole rien à personne.

A lire comme ça, c'est rigolo. C'est le Nanarland de la presse écrite ! Après, c'est préjudiciable pour tout le monde (libraire, journalistes, éditeurs...) Car ce torchon est tout de même facturé 5€90. Vous avez des gens qui vont acheter ce titre, après l'avoir parcouru en diagonale. Puis lorsqu'ils le liront plus attentivement, ils auront l'impression de s'être fait roulé. Et après, ils ne voudront plus acheter de magazines quels qu'ils soient. Le secteur du print est en crise et ça ne fait qu’accélérer sa chute.

Commentaires

Articles les plus consultés