Raid Berlingo


Le Raid Citroën Berlingo (alias Paris-Samarkand-Moscou) est le dernier raid officiel de Citroën à ce jour. Un unique ouvrage lui est consacré et il nous laisse sur notre faim...


Si les raids Citroën sont devenus si légendaire, c'était grâce à leur médiatisation. André Citroën s'était lui-même occupé de la traversée du Sahara (alias "Croisière Blanche", même si le terme hérisse les cheveux des citroënistes...) Réaliser un exploit, c'est bien. Mais il fallait que l'homme de la rue voit cet exploit de ses propres yeux.
Les croisières embarquèrent photographes et cinéastes. Des projections furent ensuite organisées. Pour les raids 2cv et AX, c'était cette fois-ci des journalistes qui étaient embarqués.

Mais cela dépassa très vite le simple cadre de l'auto-promotion. La firme aux chevrons put également compter sur de formidables conteurs. Dès la traversée du Sahara, Louis Audouin-Dubreuil convoquait le Commandant Lamy et Charles de Foucauld. Sa fille, Ariane Audouin-Dubreuil compila ses souvenirs. Il se présentait comme leur humble successeur. Jacques Wolgensinger fut un moine-soldat de la promotion de la 2cv. S'attelant à la machine à écrire, dès son retour des raids 2cv. Michelle Boivin, qui lui succéda, se força a écrire un ouvrage sur le raid AX. Sans oublier Pierre Lancasta, ancien participant des trois raids 2cv, qui signa autant d'ouvrages semi-officiels.

En résumé, la bibliographie est foisonnante...


Mais concernant le Raid Berlingo, il faut se contenter d'un dossier de presse de 48 pages. C'est un peu court, jeune homme ! Il avait été réalisé par l'agence DPPI, pour le compte de Citroën. C'était un livret bilingue français-espagnol. Il est sorti à l'automne 1997, un moment même où sortait le Renault Kangoo. De quoi tirer la couverture vers soit, donc.

La bonne nouvelle, c'est que ce livret a été très diffusé à l'époque. Il en existerait également une version français-anglais.


Le livre débute d'emblée sur le départ, sur le parvis du Château de Vincennes, le 22 août 1997.

Pourtant, dans ce type d'opérations, "l'avant" est crucial : émergence du projet, réunions de direction, repérage...
On ne peut donc faire que des suppositions. La FIA avait annoncé un règlement 1998 clairement destiné à exclure les invincibles ZX Rallye-Raid. 1997 fut donc un baroud d'honneur pour Citroën et sa ZX. Citroën Sport cherchait donc sans doute à marquer le coup. Le Master Rally allant être la toute dernière sortie des ZX.
Au Mondial de l'automobile 1996, PSA avait dévoilé le Peugeot Partner/Citroën Berlingo. Si la firme au lion mettait en avant les versions VU, celle aux chevrons communiquait davantage sur les versions VP. La presse était très enthousiaste. Les Américains se jetaient sur les pick-up et Citroën semblait avoir transposé le concept outre-Atlantique. Un véhicule rustique comme un tout-terrain, mais offrant les prestations d'une berline, le tout au tarif d'un utilitaire. On le comparait volontiers à la 2cv.
Est-ce cette comparaison qui donna envie à Citroën d'organiser un raid avec des Berlingo ? La Russie était une vieille lune des raids. La Croisière Jaune devait passer en URSS, mais le pays refusa au dernier moment. Dans les années 70, il n'était toujours pas question de visiter le Caucase. Le Paris-Kaboul et le Paris-Persépolis-Paris se contentèrent de longer la frontière interdite... Dans les années 90, la Russie et ses ex-pays satellites s'ouvraient au monde. Le Camel Trophy 1990 (juste avant l'implosion de l'URSS) avait été un ballon d'essai. Puis il y eu le Paris-Moscou-Pékin, en 1992. Ce Master Rallye (alias Samarcande-Moscou) était l'occasion de boucler la boucle des raids Citroën.

L'ombre de Paul Berliet planait au dessus du Raid AX (même si son nom n'est jamais cité.) André Guelfi et Françoise Sagan étaient les deux promoteurs de l'Ouzbékistan, au milieu des années 90. Dédé la Sardine passa le mois de mars 1997 en prison et il était persona non grata chez Total (partenaire du Raid.) Mais difficile de croire qu'il n'avait aucun lien avec le Master Rallye...


DPPI est l'acronyme de Diffusion Photo Presse Internationale. C'est donc avant tout une agence photo. Et tout aussi logiquement, ce livret fait le part belle à la photographie. Les maquettistes ont également ajouté des dessins, extraits de road-books, souvenirs, etc. Un style scrap-book très innovant en 1997.

Nous voilà donc plongé  dans le quotidien des 150 équipages, venus de toute l'Europe et âgés de 18 à 35 ans. L'expédition durait une quinzaine de jours, ce qui était davantage compatible avec des personnes ayant une activité professionnelle.


Le Raid Berlingo était très différent des précédents raids 2cv et AX. D'une part, les participants ne venaient pas avec leurs propres voitures. Citroën leur fournit 150 Berlingo 1.9D rouge identiques.
De plus, les équipages devaient payer 15 000 francs (soit 2 200€) pour un forfait "tout inclus".
Troisième nouveauté, le parcours suivait le tracé du Master Rallye (mais via des pistes carrossées, voire des routes asphaltées) et il profitait de ses bivouacs.
Enfin, dernière particularité : la notion de compétition. C'était un rallye de régularité, avec un road-book. 


Puis ce fut l'arrivée dans Moscou. Julie et Marie Dagnaud remportèrent le raid. Certains posèrent avec Ari Vatanen, vainqueur du Master Rally.

En 1997, on regardait avec bienveillance la Russie. C'était une cleptocratie, gérée (?) par un Boris Eltsine de plus en plus souvent aviné. Le tout sur fond de guerre en Tchétchénie. Mais l'on pensait naïvement que globalement, la Russie prenait le chemin d'une intégration dans le concert des nations.
Un an plus tard, le rouble s'effondrait. C'était la crise Russe. René Metge annula le Master Rallye 1998, quasiment au dernier moment.

Le dernier point, c'est le lien entre le Raid Berlingo et Doninvest (par la suite devenu TagAz.) Est-ce que la parade russe des Berlingo devait achever de convaincre Doninvest de signer une licence de fabrication ? Ou bien est-ce qu'en voyant passer les Berlingo, Doninvest a souhaité approcher Citroën ?
En tout cas, dès 1999, Doninvest assembla des Citroën Berlingo, alias Orion M. Les premiers exemplaires possédaient encore leurs chevrons. Ils furent par la suite reliftés.


Et c'est déjà fini. Aucun mot sur les encadrants et l'équipe technique. A ma connaissance, les Berlingo retournèrent en France, où ils furent écoulés comme de simples VD.
En parcourant ce livret, on regrettera qu'il n'existe pas d'ouvrage plus conséquent sur cette épopée.

Le Raid Berlingo avait montré les difficultés à mobiliser les budgets. Le Master Rally permettait de lisser les frais. Mais cela restait colossal, à l'échelle de Citroën. Et c'était compliqué de demander à des jeunes de trouver comme cela l'équivalent de plus de deux mois de SMIC...
En 1997, Citroën lorgnait déjà sur les rallyes. Patrick Magaud et sa Saxo kit-car jouèrent les poissons pilotes. A peine les ZX rangées que Citroën Sport dégainait ses Xsara kit-car. Puis, ça allait être l'arrivée tonitruante de Sébastien Loeb. La firme aux chevrons a longtemps considéré le WRC comme l'alpha et l'oméga de sa communication.
Ainsi, pour des raisons de volonté et de budget, il n'y eu pas de raid ultérieur au Raid Berlingo.

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