Mardi 31 décembre 2024. Comme tout le monde, je suis pressé. Je passe devant un garage Fiat, où j'aperçois une 509. Une réplique de
la voiture de Gaston Lagaffe ? Marrant ! Mais je continue. Au feu rouge suivant, j'aperçois une DS rouillée. Là, il y a suffisamment de matière pour investiguer. Et puis, de toute façon, je suis déjà en retard...
Ce siècle achève son premier quart, déjà... Il y a quelques mois, Le Blog Auto fêtait ses vingt ans. En mai, ça fera vingt ans que j'ai travaillé pour Audi. Et l'an prochain, cela fera trente ans que j'ai obtenu mon précieux carton rose en trois partis. Le temps passe. Il faut faire avec. Aujourd'hui, les voitures que j'ai connu étant petit sont dans des musées. Demain, ce seront les voitures que j'ai conduis, qui seront à Rétromobile !
Des véhicules plus ou moins abandonnés devant un concessionnaire Citroën sont un bon cas d'école.
L'air de rien, la C3 Pluriel est sortie en 2003. Dans sa génération, la 206 CC possède le plus grand potentiel en collection. C'était une voiture générationnelle. Le genre de voitures dont on rêve à 20 ans et qu'on pourrait presque s'acheter... Dont, trente ans plus tard, on fait sa petite crise de la cinquantaine et on réalise son rêve d'ado !
La C3 Pluriel, elle, elle descend d'une lignée de vilains petits canards chevronnés (
Ami,
Visa...) Ce genre de voiture que 99% des gens trouve hideuse, poussive et mal fichue... Mais le pourcent restant les chérisse. Donc potentiel en collection. Mais a priori, uniquement en 1.6 VTS (les autres versions étant asthmatiques) ou en
Charleston, plus cossue.
Et pour cette même raison de vilain petit canard, la Wind possède un potentiel collection !
Traditionnellement, ce sont d'abord les grosses cylindrées qui atteignent en premier un statut collection. Puis viennent les modèles de niche (coupés, cabriolets...), les berlines et enfin, les utilitaires. Les R4 F6 et autres Acadiane étaient bannies des concentrations d'anciennes jusqu'à récemment. Les Express et C15 seront donc de la prochaine promotion.
Le C15 est également porté par la génération Z et sa "culture meme". C'est un intérêt au second degré, un peu comme ces gens qui se passionnent pour les nanars. Il faut dire que le C15 est un ovni. Comme Citroën voulait tirer le maximum de l'Acadiane, le C15 fut lancé alors que
la Visa quittait la scène. Du coup, son design intérieur et extérieur étaient d'emblée démodés ! Puis il est resté, malgré l'apparition du Berlingo. Il a traversé les années 90, pour ne mourir qu'en 2006. Malgré des prestations complètement anachroniques. Et vingt ans plus tard, le C15 reste très diffusé, malgré les primes à la casse, les ZFE ou l'export en Afrique. A croire que c'est quelque chose dont on ne se débarrassera jamais !
Nul doute qu'il profitera de cette image décalée à son arrivée en collection. Actuellement, les prix vont de 500€ à 5000€ ; un prix de vente complètement décorrélé de leur état. En tout cas, on a souvent des véhicules de quatrième main, très mal entretenu et avec un gros kilométrage. Ils sont usés jusqu'à la corde et ils auront besoin d'une vraie cure de jouvence.
Si j'avais un euro à chaque fois que je croisais une DS à l'abandon, j'aurais cinq euros. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est étonnant que de nos jours, il y ait encore des DS "ventousées" !
Pour info, ici, c'est une DS20. Elle mériterait un meilleur sort. Mais la rouille sur les bas de porte et l'aile avant n'annoncent rien de bon au démontage...
La DS, c'est une voiture dont la côte est en chute libre. En 2013,
lors du tournage de Cash Cars, j'avais rencontré un restaurateur de DS. Il se vantait quà la fin, ses DS étaient si belles qu'il pouvait les vendre près de 10 000€. En 2017,
je croisais une DSuper à vendre 14 000€. L'année suivante,
la DSpécial "gilet jaunes" était à 17 500€. En 2019, Aguttes adjugea toute une série de DS à plus de 50 000€. C'était sans doute l'un des symboles de la folie des anciennes. Une voiture dont la côte était complètement déconnectée de sa diffusion ou de ses performances. Les versions cabriolet ou Chapron, plus rares, atteignant carrément les six chiffres.
Depuis 2022, on voit clairement moins de DS dans les ventes aux enchères. A 20 000€ pour une berline post-65, ça ne les intéresse plus. Il y a bien sûr un effet démographique. Ceux qui ont connu la DS n'ont plus l'âge d'en restaurer une. Quant aux Citroënistes, ils préfèrent des modèles plus hors-série (toute première DS19, DS23 injection électronique, export USA, etc.) laissant de côté les autres. A mon avis, cela va continuer de descendre pour les ID/DSuper/DSpécial.
Après cela, j'ai marché vers le Fiat. Par chance, il était ouvert un 31 décembre. J'ai donc mitraillé la Fiat 509 !
L'histoire n'est pas très claire. Joseph Marani a-t-il ouvert
son garage CAB (Centre Auto [Rue du Général] Bizot) Nation en 1937 ou 1957 ? Sachant qu'il est né en 1923, la seconde solution serait plus plausible... Ainsi, le permis en poche, il aurait acheté cette Fiat 509 de 1937 (d'occasion, donc) et l'aurait conservée. Elle vient d'être restaurée.
Elle était bien jaune et noire à l'origine. Contrairement à la voiture de Gaston Lagaffe, ce n'était pas un faux-cabriolet, avec toit en simili et elle n'a pas de compas. André Franquin l'avait caricaturée : elle est moins haute et moins carrée en vrai.
La demande en "popu" de l'entre-deux guerre est quasiment nulle. Des voitures anciennes aux performances modestes et demandant beaucoup d'attention, ce n'est guère tentant. Malgré le battage, la vente dédiée Art and Cars d'Osenat a été un demi-succès. On reste sur un couloir de 5000€ à 10000€.
Un vendeur m'a repéré, tournant autour de la Fiat 509. Il a aussi compris que je n'étais pas un client potentiel (ce qui est ironique, j'y reviendrais un autre jour.) Très aimable, il m'a partagé ce qu'il savait sur la voiture. Et il m'a indiqué qu'il y avait d'autres anciennes, ici et là. Elles appartiennent à la Société de Participation Nation.
Voici tout d'abord une Fiat "Nuova 500" avec portes suicides et calandre à moustaches.
En 1957, donc, Joseph Marani fondait le concessionnaire CAB Nation. En 1962, il s'associait à Max Havard, ensemble, ils ont monté d'autres concessionnaires. Fiat, mais aussi Renault, Nissan, Mazda... En 2011, Joseph Marani décédait sans descendant direct. Vincent Marani, son neveu, devait prendre la suite. Mais c'est Edda Marani, la veuve de Joseph, qui assuma la direction, aidé par son cousin Eric Borio. Vincent Marani, lui, était écarté. Puis, en 2014, Alain Borio prenait sa retraite. Martial Papineau lui succédait. Edda Marani jurait que tout cela était mûrement réfléchi. En fait, le groupe Marani-Havard subissait de plein fouet la chute de Fiat et le vide directionnel depuis la disparition de Joseph Marani. Sur ce blog, on trouve ainsi trois anciens concessionnaires du groupe, désormais à l'abandon (un, deux et trois, le tout premier investissement du duo Marani-Havard.) La famille Havard prit le large. Leur société Sofibrie possède toutes les concessions (hors Fiat.) Longtemps hostile à une vente, Edda Marani ouvrit le capital, peu avant son décès, en 2017. C'est Laurent Dumas qui pilote le réseau CAB Nation, en tant que premier actionnaire de Société de Participation Nation.
Jeep a longtemps été le bon élève de l'ex-FCA. D'où cette Willys pour le côté historique.
Les "Belles Américaines" ont été omniprésentes durant les années 80 et 90. On pense bien sûr aux films et aux séries TV. Mais la mode Américaine se retrouvait dans les films Français, les pubs TV, les clips du Top 50, les journaux, les BD, les miniatures, les gadgets, les vêtements (cf. Chevignon, Creeks...) Vous pouviez même manger des Américaines ! Car vous aviez plein de pseudos diner tapissés de d'affiches ou de miniatures.
On comprend que la génération suivante a saturé. La jeune génération n'a ni connu l'omniprésence des Américaines des années 45-65, ni le rejet ultérieur. Néanmoins, les Américaines sont inconduisible au quotidien. Elles débordent des places de parking et des box. Les V8 ont un appétit vorace, le plein de 100l n'est plus qu'un souvenir, dès que vous avez le pied un peu lourd (or, la génération Fast & Furious pense qu'il faut tout le temps rouler au rupteur...) Avec un beau bruit de chasse d'eau dans le réservoir.
L'exception, c'est la Jeep. Elle reste la voiture qui a triomphé du fascisme et du nazisme. Donc, elle plait bien au-delà des habituels nostalgiques des "Good ol' days". Sans oublier un côté martial. Ca vous pose son guérillero/paramilitaire d'opérette, quel que soit l'idéologie. L'été, elle peut servir pour aller de la plage à votre résidence secondaire. Enfin, elle reste un tout-terrain aux sérieuses capacités de franchissement.
Néanmoins, cela reste un véhicule très, très diffusé. Sans oublier les nombreuses répliques. Donc malgré tout l'offre est supérieure à la demande. Les prix sont stable, mais au raz des pâquerettes.
Le vendeur m'a indiqué qu'il y a d'autres anciennes. Elles sont dans un recoin du dernier étage, au milieu de Fiat 500 d'occasion (NDLA : 90% du parc du concessionnaire VN et VO est composé de Fiat 500.)
Pour commencer, voici une Triumph Spitfire MK III, visiblement sans moteur. La plupart des Spit' que l'on croise sont des 1500. Ce sont les plus abouties, les plus vendues... Et elles furent longtemps produites.
Les roadsters Anglais et Italiens vont avoir une côte en baisse. C'est très cyclique. Dans les années 90, le marché était submergé de voiture importées des Etats-Unis. Dont beaucoup de cochonneries. Puis on a commencé à voir des MX-5 d'occasion. Pourquoi dépasser 20 000 frs pour une MG B, alors que pour le même prix, vous aviez une MX-5 en VD ? Par la suite, j'ai longtemps lorgné sur une Alfa Spider Coda Tronca à vendre, près de chez moi, pour 3 750€... Dans les années 2000, vous aviez encore
des gens qui roulaient en Triumph ou en MG en daily. Puis il y a eu une envolée des prix. Des roadsters "popu" en parfait état partaient à 50 000€. Quant aux Spitfire, elles dépassaient les 20 000€. Des gens se sont alors improvisé négociants en anciennes, sans compétences, ni scrupules. En septembre dernier, vous avez peut-être vu cette vidéo d'une Jaguar XK120 détruite, lors des Mille Miglia, après une rencontre avec un chauffard. Le plus marquant, c'est que la carrosserie de l'Anglaise semble tout ou partie rafistolée au plastique. D'où les nombreux éclats par terre.
Aujourd'hui, les prix redescendent et je pense qu'ils vont continuer à descendre jusqu'à moins de 15 000€ pour un roadster 2l et moins de 10 000€ pour les petits roadsters. Les jeunes générations sont souvent surpris des performances des roadsters. Aujourd'hui, la moindre sportive développe 200ch, voire 500ch si c'est une électrique ! Mais dans les années 70, les 70ch, 80ch et 150km/h en pointe d'une Spitfire, c'était pas mal... Après, il faut bien choisir chez qui on l'achète. Les Anglaises sont capable de rouler avec des réparations de fortune. Donc, sur le parvis du garage, ça tourne bien. Mais au bout de quelques kilomètres, c'est la panne...
Une Renault Alliance Convertible, cousine germaine de la R9. Les Américains ayant eu la primeur des versions 2 portes et cabriolet. L'Alliance inaugura la calandre quatre phares (issue de la R11) et on la retrouva sur la R9, juste avant le facelift. Ici, on a ici une version 1,7l. Une mécanique conçue avec Volvo (et que l'on retrouva sur les 340/360.) Mais en troquant son carburateur pour une injection électronique Renix et avec un catalyseur en plus, la puissance tombait de 95ch à 75ch. Avec une tonne à transporter et une "boitoto" trois vitesses paresseuse, l'Alliance Convertible 1.7 EFI avait une réputation de veau.
Il y a un marché pour les voitures exotiques. C'est la génération Boitier Rouge. Des gens qui veulent rouler dans des anciennes différentes, à l'instar de ces drôles de Renault "fédéralisées" (Alliance, Encore, Le Car...) En ce moment, on voit
quelques productions Brésiliennes. On parle d'une micro-niche : peu d'offre et peu de demande.
Pour le collectionneur, deux solutions. Soit dire "je VEUX une X", prendre son mal en patience et attendre un an, deux ans, cinq ans... Qu'une X soit à vendre. Ou bien viser plus largement, acheter une Y, puis une Z, en attendant de dénicher une X.
Le clou du spectacle, c'est cette Peugeot 201 "aérodynamique". Notez la face avant, inspirée des 401, avec ces phares à strabisme, typique des ultimes modèles. Signalons que cette 201 est plus vieille que la Fiat 509, alors que les lignes de l'Italiennes sont plus raides.
A l'instar de la Fiat 509 ci-dessus, la demande pour les 201 est très faible. Alors que les "fuseaux Sochaux", en particulier les "Eclipse" s'en sortent beaucoup mieux...
Pour autant, si stylistiquement, la 201 est assez quelconque, ce fut un modèle fondateur dans l'histoire de la marque au lion.
Jusqu'au tournant des années 30, vous aviez un marché très atomisé. Des modèles avec des durées de vie très courtes, d'à peine un ou deux ans. Tout le monde courrait, dans un esprit de nouveauté permanente. Puis on assista à une coagulation autour de Citroën, Peugeot et Renault, avec Simca dans le rôle du troisième mousquetaire. Certes, ces constructeurs possédaient des moyens industriels, techniques et financiers supérieures aux autres acteurs. Mais ils étaient aussi dans une posture de prise de recul et de vision à moyen terme.
La 201 fut la première Peugeot à "0" central. Derrière, la firme de Sochaux allait lancer la 301, la 401 et la 601. Il y avait l'ambition de bâtir une gamme. Cela signifiait d'une part créer un vocabulaire stylistique commun. Mais cela signifiait aussi intégrer la segmentation du marché. Proposer des véhicules différents pour différentes catégories de population et déjà, tenir des discours différents pour mieux cibler chaque population. Enfin, il y avait l'ébauche d'un cycle-produit. Cela signifiait davantage de temps pour la conception, avec un cahier des charges et du développement. Un temps de mise sur le marché, avec une vie-produit et des phases de déploiement.
Il y a également une autre Jeep et un autre Fiatou (un modèle ultérieur, à portes "normales".) Il n'y a pas si longtemps, on voyait quantité de Fiat 500 dans Paris. Ca vous posait sa pizzeria ou son traiteur italien. Sans compter ceux qui roulaient avec au quotidien (avec des flotteurs devant et derrière pour protéger des chocs, durant les créneaux.) C'était avant le bannissement des Crit'air 3... Depuis le premier janvier, la petite couronne, ainsi que diverses agglomérations s'alignent sur ce règlement ZFE. Pour l'instant, vous vous en tirez avec un avertissement, mais bientôt, les contredanses vont tomber... Je pense qu'une partie des législateurs n'ont pas réfléchi, faute de capacité de projection sur autrui. Et l'autre partie est bien contente de chasser les gueux hors des agglomérations.
La bonne nouvelle, c'est que la côte des Fiat 500 et Mini, désormais inutilisables en ville, va redevenir plus raisonnable.
Quoi qu'il en soit, pour moi, la tendance 2030 de la voiture de collection, ça sera les citadines et microcitadines des années 90. Twingo, Clio 1, 106, Saxo... La génération X, proche de la retraite voudra les voitures de ses 20 ans ! Non, votre Clio 2 dCi ne vaudra pas de l'or ! L'engouement portera d'abord sur les versions sportives (y compris les simples kits type Cinquecento/Seicento Abarth) et les séries limitées lookées (Twingo Benetton et Kenzo, 106 Eden Park...) Et uniquement en essence. C'est quasiment du cas par cas, en fonction de la côte d'amour d'une voiture. Une Saxo Bic 1.1 vaudra plus cher qu'une 1.6 VSX. Une 106 XSI sera plus côtée qu'une Corsa B GSI 16V.
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