Lutèce à Paris

Une Autobianchi Lutèce, vue dans les rues de Paris. Après tout, quoi de plus normal qu'une voiture nommée "Lutèce" à Paris ?

Par contre, la plaque d'immatriculation en Comic Sans...
Giuseppe Bianchi avait de l'argent et une usine qui avait produit des voitures durant l'entre-deux guerre. Fiat cherchait à monter en gamme. Fiat, Pirelli et Bianchi fondèrent ainsi Autobianchi. Au passage, Fiat s'assurait qu'aucun autre généraliste Italien n'émergeait. Il fit d'ailleurs du lobbying auprès de l'état Italien pour qu'Alfa Romeo ne s'aventure pas trop dans les petites cylindrées... Quant à Pirelli, il s'imposait ainsi comme LE fabricant Italien de pneus, face à son concurrent Ceat. Il faut dire que Virginio Bruni Tedeschi, le patron de Ceat ne supportait pas les Agnelli. Et fabriquer des pneus de voitures en Italie, en écartant Fiat de l'équation, c'était forcément suicidaire...

Fiat eu souvent de bonnes intuitions.
Jusque là, on pensait que la taille, la cylindrée et l'équipement d'une voiture allaient de concert. Petite voiture, petit moteur, donc présentation spartiate. Grosse voiture, gros moteur, présentation opulente. L'automobiliste tendait à acheter des voitures toujours plus grosses, au fil de son ascension sociale. C'était notamment ce que claironnaient les Américains, qui représentaient 90% de la production de l'immédiat après-guerre ! Qui aurait osé les contredire ?
Fiat, lui, avait compris qu'avec la motorisation des villes, il y aurait une clientèle qui avait les moyens d'acheter une grosse voiture, mais qui souhaitait un petit gabarit (ne serait-ce que pour pouvoir la garer plus facilement.) Aussi, lors de la conception de la 500, il développa en parallèle un dérivé plus cossu, la Bianchina. Cette dernière fut dévoilée en septembre 1957, deux mois après la 500.
La Bianchina fut d'abord proposée en découvrable. Puis il y eu un cabriolet et un coupé. Toutes les trois s'appelaient Bianchina ! Ce n'était qu'à l'usage que la clientèle désignait la découvrable par Transformabile et le coupé par Berlina. Le break et la camionnette, elles, disposaient de noms spécifiques (respectivement Panoramica et Fourgoncino.)

En 1958, Fiat vendit Simca à Chrysler et il songea à exporter de l'autre côté des Alpes. Néanmoins, face à des généralistes établis comme Citroën, Panhard, Peugeot, Renault et... Simca, le chemin allait être ardu... André Chardonnet importait des Neckar, des coupés fabriqués à Neckarslum par l'ex-NSU-Fiat (qui n'avait plus le droit d'utiliser ce nom, NSU volant de ses propres ailes depuis la fin de la guerre.) Par ce biais, il fut en contact avec Fiat. Le responsable export de Fiat n'étant autre que le PDG de Neckar, Piero Bonelli. Les Autobianchi Bianchina n'avaient pas d'équivalent dans la production hexagonale. Pour Bonelli et Chardonnet, c'était un moyen de contourner la réticence des Français à acheter une étrangère.
Restait que la gamme Bianchina était illisible. Chardonnet fit du ménage. Le cabriolet devint Eden Roc et la berline, Lutèce. Quant au break Panoramica, il devint Texane. Ainsi, toutes les versions avaient un nom !
Faisons un peu de hors-sujet sur l'histoire de Lutèce. Ptolémée, qui vivait en Egypte, mentionne une Lefkotekia, au 1er siècle avant notre ère. Strabon, qui vivait dans l'ouest de l'actuelle Turquie, lui, parlait de Lukotokia. Le plus probable est que la Lutèce gauloise était à Nanterre. C'était un village de Parisii, une population qui vivait le long de la Seine.
Camulogenus, un proche de Vercingétorix perdit une bataille face à Titus Labienus. Lutèce fut rasée et ses habitants dispersés. Les Romains choisirent souvent de bâtir des villages ex nihilo. Un moyen de contrôler une zone. Il construisirent une nouvelle Lutèce, sur l'ile de la Cité, à Paris, avec une préfecture et un hopital. Ils tracèrent deux routes sur un axe nord-sud (les actuels rue Saint Jacques et boulevard Saint Michel) qui enjambaient la Seine et une route sur un axe est-ouest (l'actuel boulevard Saint Germain.) Malgré tout, cela restait un petit village. En souvenir des Parisii, Lutèce devint de facto renommée Paris.
Au VIe siècle, Clovis n'était qu'un roitelet Francs parmi d'autres. A Soissons, il vaincu un chef Gallo-romain. Fin politicien, Clovis se converti au christianisme, alors que jusqu'ici, il pillait les églises. Il vaincu d'autres villes romaines, dont Lutèce/Paris. En 496, il s'autoproclama "roi des Francs" et désigna Paris comme capitale. Avec l'aval de l'église, il put créer une fake news : "J'ai chassé les Romains de Gaule, désormais, il n'y a plus que des Francs et c'est moi leur chef." Rappelons que Paris ne fut pas toujours la capitale de l'empire. Charlemagne lui préféra Aix-la-Chapelle, qui était géographiquement au centre de son empire.

On dit souvent que l'histoire est écrite par les vainqueurs. Comme Clovis, rois et empereurs avaient coutume de créer un récit, où bien sûr, c'était eux le héros. Aujourd'hui, on a l'impression que Jules César a franchi les Alpes, qu'il a défait Vercingétorix à Alésia et que voilà, la Gaule devint Romaine !
En fait, la Gaule n'était pas un état au sens moderne du terme. C'était un territoire informel peuplé de diverses tribus Celtes. Des Belges, des Arvegnes, mais aussi des tribus moins importantes, comme les Armors ou les Parisii. Et dans le sud, à Nice et Marseille, les Grecs ont établi des comptoirs. Les Sénons, qui dominaient les Parisii, franchirent les Alpes et s'installèrent dans l'actuelle Italie du Nord. Les Romains, victimes de raids récurrents, poussèrent toujours plus au Nord et prirent ainsi la "Gaule Cisalpine". Pour la gérer, ils bâtirent la ville de Mutina, c'est à dire Modène...
Au IIe siècle avant notre ère, lorsqu'Hannibal traversa longea la Méditerranée, il trouva aussi bien des Gaulois opposés aux Romains, que des partisans de Romes. Quelques décennies plus tard, bien avant Jules César, les Romains établirent la Colonia Narbo Martius (Narbonne.) La Via Domitia, qui traversait la colonie, reliait les péninsules italiennes et ibériques. Bientôt, le long de cette route, la Narbonnaise était une zone contrôlée par les Romains.
Jules César a regroupé des légions (dont certaines composées de Gaulois) et il leur a demandé de pousser au nord et à l'ouest, jusqu'à ce qu'elles butent sur l'Atlantique et le Rhin. Les Romains ont trouvé de vastes pleines. Ils ont su utiliser les rivalités, vassaliser tel chef Gaulois afin qu'il les aide à vaincre tel autre chef Gaulois. L'aristocratie Gauloise y trouvait globalement son compte, elle gagnait même en légitimité et en influence. Les druides, eux, étaient les principaux opposants. Les Romains apportaient leurs dieux, leur savoir, leur éducation, alors que jusqu'ici, les druides étaient à la fois les médecins, les juges et les notaires des Gaulois. Ce sont eux qui poussèrent Vercingétorix a liguer les chefs Gaulois. Et bien sûr, il y eu plusieurs batailles.
Jules César voulait utiliser la conquête de la Gaule pour s'imposer comme chef politique et militaire. Au lieu d'expliquer qu'il avait soumis des peuplades vivant dans des hameaux, il raconta qu'il avait affronté un royaume. Il avait fini par vaincre leur chef, Vercingétorix. Ce roi Arverne était la preuve de ses dires. Enfin, les Romains gravaient leurs dires dans le marbre (au sens propre du terme), là où les Celtes n'avaient que des légendes orales, qui finissaient forcément par se perdre. Néanmoins, quelque part, cette peinture d'une Gaule unie et forte, arrangea bien les historiens Français. Bien plus tard, la résistance considéra Vercingétorix comme le précurseur des FFI.

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