Mémorial Charles de Gaulle

Le Mémorial Charles de Gaulle de Colombey-les-deux-églises n'est pas un musée de voitures. Mais c'est un musée avec des voitures. Témoin d'une époque, qui était aussi celle de l'apogée de l'automobile.

Renault noua différents partenariats, à la fin des années 50. Avec Willys-Overland au Brésil, avec Kaiser en Argentine et American Motors, aux Etats-Unis. AMC devait distribuer la Floride/Caravelle et la R10 sur le sol US, tandis que Renault allait assembler des Rambler Classic 6. Sur le papier, la Classic 6 (renommée Renault Rambler) devait permettre de remplacer la Frégate, tout en montant en gamme. Les premiers exemplaires sortirent de l'usine de Vilvoorde en Belgique, en 1962.

Pour séduire la clientèle, quoi de mieux qu'une voiture présidentielle ? Henri Chapron, LE spécialiste hexagonale de la voiture présidentielle, réalisa cette Rambler très spéciale. Le toit est surélevée et surtout, elle est blindée. Pour compenser, le 6 cylindres d'origine a été remplacé par un V8. Notez aussi la calandre spécifique, afin de la "Renault-iser" davantage.

Lorsque le Général de Gaulle la vit, il aurait dit : "Où est ma voiture ?" Car son unique voiture, c'était la DS. Trop ostentatoire, trop Américaine, il a refusé de s'assoir dedans.
Ce fut le début d'un chemin de croix, pour la Renault Rambler surtaxée à cause de sa cylindrée, elle ne convainquit jamais vraiment. Vilvoorde en assembla à doses homéopathiques jusqu'en 1967, le modèle suivant les évolutions de la Rambler Classic US. En Argentine, par contre, elle eu davantage de succès et IKA-Renault créa même un inédit coupé, la Torino.

Quant au Général, il ne circula quasiment que dans des DS de série. En 1968, sa Super DS, signée Henri Chapron, fut enfin prête, mais le règne du président était proche de la fin...

La Révolution Française avait marqué le coup d'envoi d'une démonarchisation de l'Europe. Le monarque n'était plus perçu comme une incarnation divine, mais de plus en plus, comme un imposteur. Les moments de parade, avec leur foule grouillante, se prêtait bien aux attaques. Les attentats les plus célèbres furent ceux contre le tsar Alexandre II (1881), l'archiduc François-Ferdinand (1914) ou le roi Alexandre 1er de Yougoslavie (1934.)
Solution trouvée par les chefs d'états : s'enfermer dans leurs palais. D'où une image de souverains distants, physiquement comme intellectuellement. Ce qui leur fut d'autant plus reproché après la Première Guerre Mondiale. A contrario, après la Révolution Bolchévique, Lénine aimait parler au milieu de la foule, depuis une tribune sur la Place Rouge. Il n'a pas fait tant de speechs publics que cela, mais l'image -largement photographiée et filmée- était forte. Hitler s'en inspira sans doute. Dans les années 30, les nazis diffusèrent des images du dictateur parlant devant une foule galvanisée. Jusqu'en 1944, il se déplaçait quasiment en permanence, en train, en avion ou en voiture. D'abord à travers l'Allemagne, puis jusqu'à l'arrière-ligne du front. Il avait même créé des antennes de la chancellerie, pour gérer son pays à distance. Surtout, Hitler fut l'un des premiers chefs d'état à disposer d'une garde dédiée. Et même de plusieurs unités, suivant qu'il soit en déplacement ou pas. On estime qu'il y eu plus d'une centaine de tentatives d'attentats contre Hitler. Mais elles échouèrent presque toutes, car il était presque impossible de s'approcher du dictateur suffisamment longtemps pour pouvoir l'attaquer.

Suite au meurtre d'Alexandre 1er de Yougoslavie (et du député-maire se trouvant à ses côtés), la France se dota des "Service des Voyages Officiels et de la Sécurité des Hautes Personnalités" (alias "VO".) Mais il s'agissait avant tout de policiers à motos, lors des déplacements officiels.
Charles de Gaulle considérait sans doute que lorsqu'il se rendait à Colombey-les-deux-églises, il n'était plus un chef d'état en déplacement. Pas question, donc, de gaspiller l'argent de l'état Français avec des "VO". Malgré la rumeurs de commandos de l'OAS sur le sol Français. Voilà pourquoi, le 22 août 1962, il était à l'arrière d'une DS19 de série, suivi par une unique voiture suiveuse et empruntant toujours le même itinéraire. Peu avant d'arriver à l'aérodrome de Vélizy-Villacoublay, un commando de l'OAS tira sur la DS19 du président. Chaque croix blanche sur la carrosserie matérialise un impact de balle. Le gendre du président, sur le siège passager, ordonne au chauffeur de continuer, malgré deux pneus crevés. Les passagers de la voiture furent miraculeusement indemnes. A son arrivée à l'aérodrome, Charles de Gaulle en rigolait presque.

Un an et deux mois plus tard, à Dallas, John Fitzgerald Kennedy était assassiné lors d'une parade. Ce fut l'évènement déclencheur d'une vraie réflexion sur la protection des chefs d'état. A la fois en amont (renseignement, sécurisation des lieux...) et durant les déplacements, avec un protocole en cas d'attentat. Mais ce n'est qu'en 1983, soit vingt ans plus tard, avec le GSPR, que la France se dota enfin d'une unité spécialisée.

Capitaine à l'issue de la Première Guerre Mondiale, Charles de Gaulle resta dans l'armée. Devenu colonel, il réfléchit à voix haute aux stratégies militaires de demain. Il fut un fervent défenseur du char d'assaut.
En 1940, le voilà commandant des chars de la 5e armée. On le voit ici, à bord d'un char. Tout s'accéléra au printemps. Le 15 mai, il lança une contre-offensive sur Montcornet. Au mieux, ce fut un demi-succès. Mais dans un contexte de débandade généralisé, l'armée Française monta l'évènement en flèche -et donc son commandant, Charles de Gaulle-. Il parla ainsi à la radio, le 21 mai. Général de brigade de facto, il en reçu le grade. D'abord à titre temporaire, puis définitif. Le 2 juin, les Britanniques évacuèrent Dunkerque. Le 6 juin, Charles de Gaulle fut nommé sous-secrétaire d'état au ministère de la guerre. Le 10 juin, le gouvernement était évacué à Bordeaux. Le 16, il s'envola pour Londres, en mission. Le 17, il revint et apprit la capitulation. Il retourna à Londres, pour un aller simple. Le 18, il négocia toute la journée et il parvint finalement à faire son appel mythique, sur les ondes de la BBC.

Winston Churchill perdit les premières élections de l'après-guerre. Charles de Gaulle fut tout autant désavoué. Le 20 janvier 1946, il démissionna du Gouvernement Provisoire. Puis ce fut le discours de Bayeux et la fondation du RPF. Le parti Gaulliste fut un feu de paille. Entre dissensions et revers électoraux, Charles de Gaulle disparu du paysage politique au début des années 50.

Il envoya alors régulièrement des cartes postales, pour se rappeler aux bons souvenirs des Français. On le voit ici à La Boissière, avec sa femme et ses petits-enfants. Notez la 2cv en arrière-plan.

Eté 1958, en quelques mois, Charles de Gaulle passa de has been à personnage incontournable. La crise Algérienne lui offrit un tremplin. Il joua alors les VRP de la nouvelle constitution. Ci-après, il est à Madagascar, promettant une procédure d'indépendance simplifiée. Un ballon d'oxygène pour une île en proie à une insurrection depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Un mois plus tard, les Français votaient "oui" à la Ve République. En décembre 1958, Charles de Gaulle en devenait le premier président. En 1960, Madagascar obtint son indépendance.

La voiture est une Talbot-Lago carrossée par Antem. Non pas celle construite pour Vincent Auriol, mais une voiture "d'occasion", construite en 1949.


Charles de Gaulle venait de fêter ses 68 ans, lorsqu'il accéda à la présidence. Mais il fut un président multipliant les voyages officiels. D'ailleurs, toute sa vie, il fut en mouvement. Il n'est pas né à Colombey-les-deux-églises, mais à Lille. En tant que militaire, il fut envoyé en Pologne, au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Puis il fit parti d'un corps expéditionnaire, parti de Beyrouth et qui poussa jusqu'en Syrie.

Au début des années 60, l'Afrique était une région hautement stratégique. Les pays d'Afrique Francophone, nouvellement indépendants, avaient besoin de tout. Les entreprises Françaises devaient se battre avec leurs concurrents Allemands ou Américains, pour décrocher des marchés. Charles de Gaulle se déplaçaient pour accélérer les signatures. Mais en parallèle, il y avait aussi la mise en place de la Françafrique, avec le très controversé Jacques Foccart et son sulfureux SAC.

En tout cas, pour la traditionnelle parade, le président n'a guère dû apprécier cette Buick, lui qui détestait les Américains...

Pour replacer le président dans le contexte des années 60, le mémorial nous expose des publicités d'époques, des disques des yéyés, un Solex et cette photo de DS... Sachant qu'elle fut prise au salon de Paris 1955.


Hélas, point de Renault Rambler présidentielle dans la boutique souvenirs. Ni de Citroën DS, d'ailleurs ! Il faut se contenter d'une 11cv "FFI" en faux Lego et d'une Simca Présidence au 1/43e !


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