Cadette
Pendant que les forains bloquaient les autoroutes, j'ai pu apercevoir cette Opel Kadett L (mk2.) Elle est beaucoup plus vieille que la Corsa A de l'autre jour ! A priori, c'était la version équipée d'un 1,1l 45ch. Vue de 2017, elle semble minuscule et son moteur, ridicule. Mais il faut se souvenir que c'est l'ancêtre de l'Astra. A la fin des années 60, rouler en Kadett, c'était déjà atteindre un certain statut social...
La grosse actualité de cette semaine, c'est le livre de Bertrand Rakoto. Il dit qu'à force de rationalisation, on finit par tuer l'innovation, puis par tuer les constructeurs. Je suis acheteur technique dans le civil et j'avoue notre corporation a sa part de responsabilité. Notamment José Ignacio Lòpez de Arrortua (pour des raisons évidents, on l'appellera Ignacio Lòpez.)
Jusque dans les années 80, le métier d'acheteur était relativement simple. Les voitures avaient des cycles de vie relativement longs (la Kadett ci-dessus fut vendue 8 ans et c'était court pour l'époque.) Les BOM (bill of material ; nomenclatures) évoluaient peu. Les fournisseurs étaient souvent des filiales de constructeurs (Unipart chez BL, ECIA chez PSA, Denso pour Toyota, etc.) qui étaient autant de simples exécutants. Quand aux entreprises indépendantes, ce sont des PME, dès que l'on quittait le compartiment moteur, les fournisseurs n'avait plus de valeur ajoutée. Bref, être acheteur, c'était avant tout remplir des bons de commandes et sécuriser les approvisionnements.
Dans les années 90, des équipements complexes apparurent (airbags, freins ABS, pots catalytiques...) Mais pas question de répercuter complètement le surcoût sur le prix de vente... En prime, les équipementiers se structurèrent. Des PME fusionnèrent pour fonder des groupes comme Valeo ou TRW. Les constructeurs revendirent leurs filiales, peu profitables. Du coup, chez Opel, Delphi disait : "AC-Delco, c'est fini ! On est indépendant et nous aussi, on veut vivre !" C'est là qu'arriva Igacio Lòpez et leur dit : "Effectivement, vous n'avez plus de comptes à nous rendre... Mais nous aussi, on est libre ! Alors on va voir Valeo, Magneti Marelli ou Bosch et on va voir ce qu'ils vont nous dire..."
La fausse bonne-idée de Lòpez, c'était le design to cost : partir du prix cible et s'organiser pour l'atteindre (au lieu de calculer son prix de vente a posteriori, une fois qu'on a empilé les coûts.) L'exemple cité dans toutes les écoles de commerce, c'était le magnétoscope EV-S700 de Sony. C'est un exemple japonais, donc ça fait toujours hyper-bien de le citer en école de commerce. En 1971, Sony avait lancé le magnétoscope U-Matic. Mais il était -entre autre- trop cher. Les Japonais travaillèrent pendant 14 ans afin de créer un magnétoscope dix fois moins cher. Ce fut l'EV-S700, qui rafla le marché US et terrassa son rival. Ce que tout le mode oublie, c'est l'astérisque. Il ne s'agissait pas juste de casser les coûts, mais d'offrir le même service (voire un meilleur service) à un prix moindre. Voilà pourquoi Sony a mis 14 ans. Opel, eux, ils ne pouvaient pas attendre 14 ans ! Lòpez allait voir ses fournisseurs : "Comment on peut atteindre tel prix ? - Si je vous remplace l'acier par du carton bouilli, on y sera. - Super, vas pour le carton bouilli !" Lòpez fut surnommé "le tsar des achats". Hasard ou coïncidence, les années 90 furent synonyme d'un plafonnement des ventes d'Opel et d'une moins bonne qualité perçue. Il parti chez VW... Où comme par hasard, les gens reprochèrent ensuite au constructeur d'avoir sacrifié la qualité...
Dans les années 2000, les bourses se désintéressèrent des constructeurs automobiles (et de l'industrie en général.) Elles leur reprochaient des marges trop faibles. Les achats, c'est de 60% à 80% du prix d'une voiture. C'était sur les achats qu'il fallait marger. Donc, on nous a mis à contribution. Beaucoup de généralistes semblent avoir en tête le modèle économique d'Air Inter : des prix élevés et un service nul. Mais ça se "paye" ensuite en chiffres de vente. Ces constructeurs ne réalisent pas qu'il vaut mieux gagner 2€ sur 1000 voitures, que 3€ sur 500 voitures... Les acheteurs ne sont pas forcément fautifs. On fait ce qu'on nous dit de faire. Ce n'est pas le simple acheteur de base qui va dire "Hep, m'sieur Marchionne, excusez-moi de vous demander pardon, mais j'ai des doutes sur votre politique achat..."
La grosse actualité de cette semaine, c'est le livre de Bertrand Rakoto. Il dit qu'à force de rationalisation, on finit par tuer l'innovation, puis par tuer les constructeurs. Je suis acheteur technique dans le civil et j'avoue notre corporation a sa part de responsabilité. Notamment José Ignacio Lòpez de Arrortua (pour des raisons évidents, on l'appellera Ignacio Lòpez.)
Jusque dans les années 80, le métier d'acheteur était relativement simple. Les voitures avaient des cycles de vie relativement longs (la Kadett ci-dessus fut vendue 8 ans et c'était court pour l'époque.) Les BOM (bill of material ; nomenclatures) évoluaient peu. Les fournisseurs étaient souvent des filiales de constructeurs (Unipart chez BL, ECIA chez PSA, Denso pour Toyota, etc.) qui étaient autant de simples exécutants. Quand aux entreprises indépendantes, ce sont des PME, dès que l'on quittait le compartiment moteur, les fournisseurs n'avait plus de valeur ajoutée. Bref, être acheteur, c'était avant tout remplir des bons de commandes et sécuriser les approvisionnements.
Dans les années 90, des équipements complexes apparurent (airbags, freins ABS, pots catalytiques...) Mais pas question de répercuter complètement le surcoût sur le prix de vente... En prime, les équipementiers se structurèrent. Des PME fusionnèrent pour fonder des groupes comme Valeo ou TRW. Les constructeurs revendirent leurs filiales, peu profitables. Du coup, chez Opel, Delphi disait : "AC-Delco, c'est fini ! On est indépendant et nous aussi, on veut vivre !" C'est là qu'arriva Igacio Lòpez et leur dit : "Effectivement, vous n'avez plus de comptes à nous rendre... Mais nous aussi, on est libre ! Alors on va voir Valeo, Magneti Marelli ou Bosch et on va voir ce qu'ils vont nous dire..."
La fausse bonne-idée de Lòpez, c'était le design to cost : partir du prix cible et s'organiser pour l'atteindre (au lieu de calculer son prix de vente a posteriori, une fois qu'on a empilé les coûts.) L'exemple cité dans toutes les écoles de commerce, c'était le magnétoscope EV-S700 de Sony. C'est un exemple japonais, donc ça fait toujours hyper-bien de le citer en école de commerce. En 1971, Sony avait lancé le magnétoscope U-Matic. Mais il était -entre autre- trop cher. Les Japonais travaillèrent pendant 14 ans afin de créer un magnétoscope dix fois moins cher. Ce fut l'EV-S700, qui rafla le marché US et terrassa son rival. Ce que tout le mode oublie, c'est l'astérisque. Il ne s'agissait pas juste de casser les coûts, mais d'offrir le même service (voire un meilleur service) à un prix moindre. Voilà pourquoi Sony a mis 14 ans. Opel, eux, ils ne pouvaient pas attendre 14 ans ! Lòpez allait voir ses fournisseurs : "Comment on peut atteindre tel prix ? - Si je vous remplace l'acier par du carton bouilli, on y sera. - Super, vas pour le carton bouilli !" Lòpez fut surnommé "le tsar des achats". Hasard ou coïncidence, les années 90 furent synonyme d'un plafonnement des ventes d'Opel et d'une moins bonne qualité perçue. Il parti chez VW... Où comme par hasard, les gens reprochèrent ensuite au constructeur d'avoir sacrifié la qualité...
Dans les années 2000, les bourses se désintéressèrent des constructeurs automobiles (et de l'industrie en général.) Elles leur reprochaient des marges trop faibles. Les achats, c'est de 60% à 80% du prix d'une voiture. C'était sur les achats qu'il fallait marger. Donc, on nous a mis à contribution. Beaucoup de généralistes semblent avoir en tête le modèle économique d'Air Inter : des prix élevés et un service nul. Mais ça se "paye" ensuite en chiffres de vente. Ces constructeurs ne réalisent pas qu'il vaut mieux gagner 2€ sur 1000 voitures, que 3€ sur 500 voitures... Les acheteurs ne sont pas forcément fautifs. On fait ce qu'on nous dit de faire. Ce n'est pas le simple acheteur de base qui va dire "Hep, m'sieur Marchionne, excusez-moi de vous demander pardon, mais j'ai des doutes sur votre politique achat..."
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