Elise paumée (pommée ?)

Drôle de visions à la pompe à essence du coin ! Une Lotus Elise vert pomme, couverte d'autocollants !

Visiblement, c'est un passionné qui écume les journées circuits et autres concentrations. Il a même un autocollants de Dijon-Prenois, je ne savais même pas que ça existait ! Moi, j'ai pas mal de souvenirs de 12 années de journalisme autos (dossiers de presse, tee-shirts, casquettes, modèles réduits, badges...) Mais pas question de coller des trucs sur ma voiture !
Là, avec la fermeture de l'A86, ce Britannique était un peu paumé. En plus, il était un peu short en carburant. Alors forcément, là, quand il a trouvé in extremis une station-service, il était stressé et il n'avait pas envie de tailler une bavette...
Il y a quelques jours, une rumeur laissait entrevoir un projet ambitieux pour Lotus Cars. Geely Group souhaiterait racheter le solde des actions. Surtout, il voudrait injecter 1,5 milliard de livres (1,7 milliard d'euros.) Avec cet argent, Lotus Cars bâtirait une seconde usine, dans le West Midlands et il recruterait 200 ingénieurs pour muscler sa R&D. Ils seraient basés à Coventry.

En voilà, de grandes nouvelles ! Enfin des moyens pour développer le fameux SUV (programmé pour 2022), le second SUV et peut-être l'Esprit...

Il faut lire entre les lignes. Lotus, c'est actuellement 2000-2500 voitures par an. L'usine a été agrandie (le Classic Team Lotus a désormais son propre bâtiment.) Mais la capacité doit être de 5000 unités par an, maxi. Or, si Lotus veut faire du volume avec ses SUV, il lui faut un grand site. Ils ont mis 70 ans pour atteindre 100 000 unités, l'objectif de Feng QingFeng, le nouveau PDG, ce n'est pas d'attendre 70 ans de plus pour atteindre les 200 000 !
Et pourquoi les West Midlands ? Nul doute que la région doit avoir une base désaffectée de la RAF ou une zone industrielle en friche... Il serait prêt à la céder à ville prix (cf. l'usine Aston Martin au Pays de Galles), voire de subventionner l'embauche des ouvriers. En ces temps de Brexit, créer des emplois sur le sol Britannique, c'est toujours valorisant...
La R&D à Coventry ? Geely y avait bâti un campus pour London Taxi/LEV. Or, des taxis, on n'en conçoit pas tous les jours ! Le TX5 remplace un modèle dérivé du TX1 de 1997, qui remplaçait le FX4 de 1958 ! Bref, une fois le TX5 lancé, les ingénieurs risquent le chômage-technique... En y logeant la future R&D de Lotus Cars, Geely lui offre davantage d'activité.
Surtout, pourquoi s'étonne-t-on des ambitions de Geely ? Il a toujours vu grand !

En 1996, il n'avait pas le droit de produire des voitures. Il a fait carrosser une Audi 100/Hong Qi dans un style imitant clairement la Mercedes Classe E (W210.) Il n'avait aucun moyen de l'industrialiser, mais c'était un bon moyen de se faire de la pub. De même, Geely lança la production de sa première voiture, l'Haoqing, le 8 août 1998. Le "8" étant un chiffre porte bonheur en Chine. En 2004, la F1 débarquait à Shanghai. Quelques mois plus tard, Li Shu Fu, le PDG, posait avec une vieille Formule Campus. Il annonçait le lancement d'une série monoplace, l'Asian Geely Formula (AGF, l'ancêtre de l'actuel F4 China) pour propulser un Chinois en F1 ! En 2006, Li s'invita au salon de Detroit. Faute de stand, c'est dans un hall d'hôtel qu'il exposa sa CK. Un an plus tard, Geely était à Moscou. Le stand était transformé en ring et des ring girls exhibait des pancartes avec les prix des voitures : Geely met KO la concurrence ! En 2008, Geely repeignait une FR 3.5 aux couleurs de l'Asian Formula Geely. En 2009, il annonçait une AGF à moteur V8. A quelques mètres de là, il exposait une copie de Rolls-Royce, la GE. En 2010, Geely annonçait qu'il allait vendre des voitures sur internet. Il serait même possible d'acheter une voiture sans moteur et d'y mettre la mécanique que l'on souhaite ! Et ainsi de suite... Bref, le constructeur est un habitué des coups d'éclat. L'un des derniers en date, c'était la sortie du diesel, avec Volvo, en 2017.

La plupart de ces annonces firent long feu. Mais ce n'était pas le but.
A la fin des années 90, il n'y avait pas internet. Geely avait des moyens très limités pour promouvoir ses scooters, puis ses autos. Il cherchait donc à faire la une de la presse papier.
Durant la période 2000-2006, il s'est retrouvé face à des concurrents toujours plus nombreux (jusqu'à une centaine !) Il fallait à la fois faire des annonces pour exister, mais aussi, pour se positionner en leader. Geely n'était juste un énième constructeur, il était celui qui amenait l'automobile Chinoise dans une autre dimension (cf. la présentation à Detroit et le projet de sport auto.)
Puis ce furent les années de crises. Chery, Byd et Great Wall l'ont dépassé dans la hiérarchie des constructeurs Chinois. Le rachat de London Taxi, puis de Volvo, fut ruineux. Il loupa le coche des SUV. Il du fermer ses représentations en Russie et en Afrique du Sud. Dans ce contexte, créer l'évènement était un moyen de reprendre la main. Imposer son actualité pour éviter les questions gênantes. C'était un "maitre des horloges" avant l'heure...
Depuis 2014, ça va mieux. La production est repartie à la hausse. Volvo a tourné la page des années Ford. LEV va lancer son TX7. Le Geely Group est le premier constructeur Chinois hors de Chine (et de très loin...) Avec Volvo, il est le seul vraiment présent en Europe et aux Etats-Unis. Li Shu Fu, le paysan du Zhejiang, tutoie Xi Jinping. Xi a compris que les marques étatiques comme BAIC, DongFeng ou FAW ne seraient jamais autonomes. Elles n'existent qu'à travers leurs joint-venture, quant à exporter... Les champions s'appellent GAC, SAIC (MG et Maxus), Foton (avec ses poids-lourd) et les privés Great Wall (Haval), Byd et à court terme, Geely. Xi va donc miser sur les favoris. Tant pis pour les autres ! Fort de ce soutien de poids, Li peut voir grand. Son ambition, c'est de faire entrer son groupe dans le top 10 mondial, puis le top 5 et enfin de détrôner Toyota ! Proton lui permet de disposer d'une marque généraliste, plus proche de Geely. Et bien sûr, Lotus fait parti de cette stratégie ambitieuse...

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