Vuarnet

Pour faire du spotting, il faut avoir l’œil ! Ce 4x4 noir sur une place mal-éclairée est en fait un Santana Vitara Vuarnet. Au début des années 80, c'est un must-have dans les banlieues chics !
En 1954, la Metalúrgica de Santa Ana fut fondée pour fabriquer des machines agricoles. Peu après, Rover les approcha. Dès 1956, l'entreprise assembla des Land Rover. A l'époque, les dictatures de Franco et Salazar surtaxaient les importations (en réaction au boycott de leurs produits.) Cet assemblage local était un bon moyen de contourner les taxes.
Au milieu des années 70, les dictatures de la péninsule ibérique tombèrent. Les marchés s'ouvrirent et bientôt, l'Espagne et le Portugal toquèrent à la porte de l'UE. Seat, devenu indépendant, racheta l'unité de production d'Austin, avant de passer sous la coupe de VW. PSA et Renault prirent le contrôle de leurs partenaires et les intégrèrent à leur plan de production. Pour British Leyland, l'heure n'était pas à s'occuper de ses partenaires. La Metalúrgica de Santa Ana, devenue Santana, se retrouva livrée à elle-même, comme Innocenti. Heureusement, il y avait les Japonais... Eux, ils cherchaient à s'implanter en Europe, afin d'esquiver les quotas. Les petits assembleurs Ibériques possédaient un savoir-faire et faute de futur à court-terme, ils étaient à vendre pour une bouchée de pain. Nissan reprit Ebro, Mitsubishi s'offrit l'ex-unité portugaise de Berliet et Suzuki prit 20% de Santana, en 1982.
L'année précédente, Suzuki avait dévoilé le Jimny deuxième génération. Santana débuta donc l'assemblage du Jimny, devenu SJ 410. Le constructeur Japonais a rapidement compris que son 4x4 plaisait à une clientèle citadine. Il y eu même un SJ 410 Courrèges ! Pour autant, le SJ 410 était très rustique. La clientèle était prête à payer plus cher pour avoir le même, mais mieux motorisé et mieux équipé. D'où le Samurai. Puis en 1991, ce fut le Vitara. Il gagnait 10cm en largeur et 20cm en longueur par rapport au Samurai. Surtout, il avait droit à un 1,6l 74ch. Quel progrès par rapport au 1,0l 45ch du Jimny ! Par contre, il y avait du laisser-aller sur le tarif : 102 500frs en finition de base (à toit bâché) et jusqu'à 114 300 frs pour la version 2 portes. 102 500 frs, c'était 50frs de plus que le prix de deux SJ 410 bâché ! Il faut dire que Santana était tout seul sur son créneau. Les Aro, Niva et UMM n'étaient pas du tout lookés. Quant à Patrol et Land Cruiser, ils étaient sur un couloir autour de 150 000 frs.
Entre temps, les quotas avaient disparus, Suzuki était monté à 50% dans Santana et il avait racheté l'importateur français. Puis, en 1993, les Samurai et Vitara troquèrent leurs badges Santana pour des Suzuki...
Aujourd'hui, la plupart des SJ 410, Samurai, Vitara et autres Suzuki Jimny ont migré en montagne, où j'ai pu constater qu'ils sont très appréciés. Pourtant, à sa sortie, le Vitara était plutôt vu comme un Quat'quat des villes. D'où la série limitée Vuarnet, un équipementier sportif alors très prisé dans les beaux quartiers...
Le Vitara faisait le lien entre les 4x4 de deuxième génération (très typés loisirs, comme le premier Mitsubishi Pajero) et la troisième génération, destiné à un usage purement urbain. Au point d'être nul en franchissement, à l'instar du premier Rav 4.

Pour info, le Vitara porta quantité de noms et de badges. Au Japon, il fallait parler de Suzuki Escudo (?) ou de Mazda Proceed Levante. Aux Etats-Unis, Chevrolet le distribuait sous le nom de Geo Tracker. Puis il devint un GMC, avant que Suzuki ne le distribue en direct, sous le nom de Sidekick. Au Canada, Geo se disait Asüna et Tracker, Sunrunner. Il prit ensuite un badge Pontiac.
Aujourd'hui, on en est à la cinquième, voire la sixième génération de 4x4, devenu des SUV. Tous les généralistes en ont deux ou trois au catalogue. Dans le premium, les modèles se multiplient et tant pis si on ne sait plus trop comment "vendre" le nouveau-venu.
Cette ruée vers les SUV me rappelle d'autres ruées. Dans les années 70-80, c'était la ruée vers les break. Chaque généraliste en proposait un en "C", en "D" et parfois, en "E". Puis il y a eu le bref temps des multispace, avec le règne du Kangoo 1. Les autres constructeurs adaptèrent leur camionnette (plus ou moins bien) pour surfer sur la vague. Qui se souvient de la Yaris Verso ou du Škoda Roomster, ces vraies-fausses camionnettes ? Puis ce fut le temps des monospaces, avec là, des déclinaisons "B", "C" et "E". En résumé, dès qu'une brèche s'ouvre, les généralistes s'y engouffre. La particularité des 4x4 et des SUV, c'est que le premium s'y est jeté dedans, dès la fin des années 90.

A cause d'une aérodynamique défavorable et d'un poids plus élevé, les SUV sont énergivores. Accessoirement, chaque génération veut "sa" voiture et cela fait une quinzaine d'années que les SUV dominent le marché. Ils sont donc condamnés à moyen terme. Break, monospaces et multispaces se sont évaporés en quelques années. La psychose est telle que Land Rover a déposé le nom "Road Rover", afin d'investir les berlines ! Mais la fin des SUV signifiera-t-elle vraiment le retour des berlines 4 portes ? Je n'y crois pas trop. En fait, autant je suis sûr qu'en 2028, le temps des SUV sera passé, autant je ne sais pas prédire ce qui sera à la mode. On ne voit pas vraiment de nouveau concept émerger. Surtout, je pense que les constructeurs n'en savent guère plus que moi. Ils lancent des SUV en espérant que la vague durera encore un peu plus...

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