Rétromobile 2024 : 19. Renault

Chez Renault, c'était la période bleue ! Le Rafale trônait au milieu du stand, aux côtés du SUV éponyme. Le tout cerné par L'Etoile Filante, la Riffard-Renault, la Dauphine de Bonneville et les deux 40cv de record. Même la Mute est bleue !

Il y a deux semaines, la firme au losange renonçait à introduire en bourse Ampère. En théorie, le dossier est toujours sur la table. Mais la communication autour d'Ampère allait descendo ces derniers mois. Comme si le grand show du 15 novembre avait été avant tout un baroud d'honneur.

Renault -et d'autres- sentent que le vent tourne sur les VE. L'Allemagne a arrêté les subventions. La France a discrètement liquidé le "Leasing social". Les dossiers déposés par les concessionnaires termineront à la benne, alors qu'ils avaient dû avancer l'argent. Carlos Tavares a dit tout haut ce que les industriels pensent tout bas : aux élections Européennes, les partis populistes pourraient l'emporter. Dans la foulée, le plan d'interdiction de la vente des voitures thermiques en 2035 (votée il y a tout juste un an) pourrait être amendée, voire annulée.

Personnellement, je pense que le tout électrique n'est pas techniquement viable. Le législateur autorisera les hybrides rechargeables et le thermique sur les utilitaires moyens et lourds.

En tout cas, le projet Ampère avait perdu de sa nécessité. Créer un pure player du VE, très Européen, c'était quasiment vendre Renault à un raider Chinois.

Ampère, c'est avant tout un échec interne. Donc un échec pour son pilote, Luca de Meo. Le premier du nouveau PDG.

Au printemps 2022, le plan était binaire : Horse et Ampère, point. Ampère, c'était le "01", Alpine et Mobilize. Tout le reste était promis à la liquidation à court terme.  Car dès l'automne, Renault devait actionner. La plus grande transformation du losange, depuis la création de l'Alliance. C'était encore plus extrême que la théorie du radeau ! D'autant plus qu'implicitement, le "01" aurait subi lui aussi un régime : un Renault amaigri n'aurait pas eu besoin d'autant de personnes dans les bureaux...

Pendant les semaines qui suivirent, les cadres dirigeants du futur Horse ont très probablement défilé dans le bureau du PDG. Ils voulurent démontrer que eux aussi, ils avaient leur place sur le canot de sauvetage ! En voyant Geely prêt à fondre sur Horse, Nissan agita la propriété intellectuelle, son droit de regard sur les repreneurs, etc. Un coup de bluff, mais qui refroidit les ardeurs de l'acheteur et du vendeur.

A partir de là, Luca de Meo était sur un chemin de crète. Soit il faisait fit des contradicteurs, il passait pour obtus et il se mettait en porte-à-faux. Soit il faisait des concessions, au risque de vider son plan de sa substance. Il était seul face à la meute. Dans ce genre de cas, d'aucuns attendent la fin de la bataille pour s'allier au camp des vainqueurs.


Il opta pour la seconde solution. La version officielle (alias "Renault Révolution") apportait beaucoup de nuances et d'astérisques. Seule la lointaine Renault Korea, disgraciée depuis longtemps, était officiellement écartée. 

Aussi, Ampère devait reposer sur l'émergence d'Alpine et de Mobilize.
Le "Grand Alpine" regroupant Dieppe, Viry-Châtillon, Enstone et Les Ulis a du mal à prendre. Philippe Krief est le troisième PDG en trois ans. L'Alpine A290 se fait attendre, tandis que l'A110, massacrée par le malus, est condamnée. Il y avait une hypercar A424 à la présentation de la F1 A524... Mais l'entité WEC avait préféré dévoiler ses équipages 2024 ailleurs. Alors, s'ils ne font même pas l'effort de se regrouper pour la photo, imaginez en coulisse...
Mobilize, lui, c'était l'équivalent de ce dossier "autres" sur Sharepoint ou sous Teams (ou l'article "divers" sur SAP) : un fourre-tout. Crédit auto, VTC, auto-partage, hydrogène, gestion de flottes... C'était la fameuse "fourniture de mobilité" chère aux communicants. C'était surtout un vrai Renault-bis, mais sans les jambes. Sans trop de surprise, les projets ont sombré les uns après les autres : d'abord la Mobilize Limo, dont personne ne voulait, puis Zity (l'Autolib de Renault), tandis que David Holderbach a quitté Hyvia. Sur la gigafactory Verkor, le losange s'est abstenu lors du dernier tour de table. Clotilde Delbos était le plus petit dénominateur commun. Gianluca de Ficchy, son remplaçant, est très typé "RCI Banque" et cela présage le futur de Mobilize. Alors, Nicolas Champetier a pris la barre d'un Hyvia au projet industriel très hypothétique. 

Ampère avait pris un an de retard sur son calendrier et rétrospectivement, c'était une bonne chose. Si le plan originel de Luca de Meo avait été mis en pratique, Renault aurait déjà liquidé une partie de Horse, en ce début de 2024. Et il aurait foncer dans le mur, faute d'avoir anticipé de nouvelles tendances. Car les courbes ne sont jamais linéaires. Or, gouverner, c'est prévoir.

Quid de l'avenir ?

Il faut rebondir. Une actu chasse l'autre. En 2025, pour ses cinq ans, Luca de Meo pourrait dévoiler un plan "Renauvation" ou "Renauveau". Un plan de réinvestissement extra-européen, de relance de l'entry et de maintien du thermique. Complètement à rebours de son discours. Mais il ne serait pas le premier PDG à se renier. Luca de Meo dira que Horse/Ampère, c'était un projet d'un collaborateur. Collaborateur qui a quitté Renault depuis et que lui, il a tout de suite vu que c'était une mauvaise idée.
Après tout, dans l'industrie automobile actuelle, la vérité du jour n'est pas celle du lendemain...

Néanmoins, il faut se rappeler la culture de Renault. Le losange avait connu trois PDG (Raymond Levy, Louis Schweitzer et Carlos Ghosn) en 32 ans. Il y avait cette impression de monarque ; en cas de coup dur, c'était ses adjoints qui jouaient les fusibles. Avec Thierry Bolloré, puis Clothilde Delbos, Renault redécouvrit le dégagisme. La question n'est donc plus forcément de comment bâtir un projet autour de Luca de Meo, mais de s'il doit toujours faire parti de l'équation... 
En résumé, si Luca de Meo ne dit et ne fait plus rien. C'est que ses valises sont déjà prêtes...

Commentaires

  1. L'identité des boites françaises, c'est comme le port salut : on peut lire sur ces bagnoles dans anglicismes. C'est un peu comme si on installait un restaurant Mac Donald dans Versailles. Pas d'identité française, une espèce d'identité internationale bidon et creuse. Pourquoi s'en soucier ?

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