Suzuki tandoori

Une vaillante Maruti 800, encore une citadine qui devient bien rare...

En 1990, André Chardonnet perdait Lancia. Après avoir tenté d'importer des Hyundai, il se lança dans les Maruti. Des amis de ma mère en avaient une. Tout le monde était dubitatif face aux qualités du "made in India". Mais l'intérêt de la Maruti 800 tenait en un chiffre : 38 000 francs, à l'époque où une modeste 205 Junior était à 51 200 frs...
Le rêve ne dura pas. En 1993, Suzuki débarqua officiellement, en intégrant la structure de Santana. Suzuki Auto France n'avait pas trop envie de voir un autre vendre des Suzuki neuves et ce fut la fin de l'aventure tricolore de Maruti... Après cela, Chardonnet tenta de vendre des FSO re-reliftée avec moteur diesel PSA (la provenance de la mécanique était inscrit en gros, sur la pub.) Puis Daewoo racheta FSO et ce fut la fin de Chardonnet.

Notez que depuis, Maruti est revenu discrètement en France. En effet, les Alto et Pixo étaient produites en Inde. Ca, Suzuki ne s'en vante pas...
Jawaharlal Nehru, fut le premier président de l'Inde indépendante. Son crédo était d'industrialiser l'Inde en s'appuyant sur des hommes d'affaires Indiens (si possible, des personnes ayant financés les milieux indépendantistes) et de leur offrir de quasi-monopoles. Cela fit la fortune de Tata et de Mahindra.
Sa fille, India Gandhi (NDLA : aucun lien de parenté avec "le" Gandhi), lui succéda et elle eu la même politique. Côté voitures, les Morris Minor d'Ashok Leyland firent long feu. Les Hindustan Ambassador (NDLA : Morris Oxford) et les Premier Padmini (Fiat 1100) restaient confidentielles. D'où, en 1970, la projet Maruti de créer une voiture 100% Indienne. Faute de moyens techniques, l'état Indien jeta l'éponge en 1977... Puis le projet fut ranimé peu après avec cette fois, l'idée de se contenter d'assembler une voiture low-cost. A l'époque, les Japonais cherchaient des débouchés en Asie continentale (Chine, Corée du Sud, Thaïlande, Malaisie, Inde, Indonésie...) Des pays quasiment dépourvue d'industrie automobile, mais connaissant une forte croissance. S'ils les motorisaient, ça serait le jackpot ! En 1982, Suzuki et l'état Indien signèrent un accord pour faire assembler des Alto par Maruti. Ainsi, en 1983, les premières Maruti 800 débarquèrent en Inde.
En 1984, Suzuki dévoila une nouvelle Alto. Maruti en débuta la production en 1986, toujours sous le nom de 800. Il fit comme si les deux modèles ne faisaient qu'un. Les autres projets, comme la Dolphin (une Reliant Kitten) furent tués par un état Indien à la fois juge et partie. En parallèle, les Indiens assemblèrent d'autres Suzuki : le minivan Carry (alias Omni, en 1986), le Samurai (alias Gipsy, en 1987), la Swift 4 portes (alias 1000, en 1989), une génération postérieure d'Alto (la Zen, en 1993), etc. Pour les Indiens, Maruti était LE constructeur Indien. Il souffrit à peine de la libéralisation du marché des années 90. Seul Hyundai a réussi à aiguillonner le géant. Pour autant, Maruti pèse aujourd'hui 50% du marché Indien et certains mois, le top 5 est exclusivement composé de Maruti !
Durant les années 2000, la 800, un cercueil-roulant ultra polluant, fut envoyé sur une voie de garage. Cela plaisait d'autant plus à Maruti, qui souhaitait écouler des voitures plus modernes -et plus chères-. En 2014, la dernière 800 fut produite. Avec 2,66 millions d'unités, ce fut un best-seller. Pour autant, à l'échelle du pays, c'est une goutte d'eau et l'on ne peut pas vraiment parler de motorisation de masse...

Justement, en matière de motorisation, le marché indien est décevant. En 2017, environ 3,2 millions de voitures y ont été vendues, passant la barre des 3 millions d'unités. Hyundai, lui, a dépassé le demi-million de ventes. Kia doit débarquer l'an prochain. Les autres sont dans un couloir autour de 200 000. Voilà qui rappelle la Chine des années 2000-2003... Sauf que la croissance reste très pâlichonne. SAIC-GM, Fiat et les constructeurs premium se sont cassés les dents. VW, qui roulait des mécaniques, est à 60 000 unités par an ! Déception aussi du côté de Mahindra et Tata, qui ont eu une politique de développement trop timide. Pourtant, l'avantage des industriels Indiens à l'export, c'est qu'ils sont perçus comme moins agressifs que les Chinois... Mais ce manque d'ambition n'est pas qu'un mythe !
Notez qu'il n'y a pas qu'en Inde que l'Alto fut un best-seller. En 1982, le Pakistan créa PakAuto avec Suzuki ; un projet carrément calqué sur la Maruti de l'ennemi-intime Indien. L'Alto devint Mehran. Hélas, après une relative croissance dans les années 80-90, le Pakistan a connu une instabilité chronique. Alors que Maruti a évolué vers la production complète, la valeur ajoutée de PakAuto reste faible, faute de volume. En 2017, l'assemblage de Mehran fut stoppé.

Dans les années 80, le gouvernement Chinois confia à l'armée l'organisation d'entreprises d'économies mixtes. D'où notamment le COIC (China Ordonnance Industrie Corporation, actuel Norinco.) Le COIC aurait négocié l'implantation de quatre chaines de montage d'Alto, vers 1990. ChangAn, déjà producteur de minivans Suzuki, en récupéra une. Elle lui permit d'approfondir ses liens avec les Japonais, qui aboutirent à la création de ChangAn-Suzuki, en 2005. Jiangnan en récupéra la seconde. En 2006, Zotye le racheta et l'Alto est toujours plus ou moins produite. Sauf erreur, elle sert de base à la citadine Z100. Jiangbei en aurait récupéré une troisième. Ce petit assembleur du sud n'arriva pas à se transformer en constructeur et il disparu peu après. Reste Beifang, filiale du COIC, il obtint le sésame malgré une expérience raté dans l'auto. L'Alto devint Qichuan. En 2001, Qichuan se servit de l'Alto pour lancer sa propre citadine, la Flyer. Byd Auto racheta Qichuan, mais c'est une autre histoire... Parce qu'il n'y a pas de petits profits, Qichuan revendit l'outillage de l'Alto à Tongtian. Il lui offrit une face avant de Polo et la produisit sous le nom de Glow.

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