54. Youngman-Lotus RCR
A Urumqi, j'ai tenu à poser avec cette Lotus-Youngman RCR (alias L3.) Oui, Lotus. Comme dans "Lotus Cars". Là, normalement, vous voyez une berline quelconque, au fin fond de la Chine et il y a marqué "Lotus" dessus, vous vous dites tout de suite qu'il y a un loup !
Peng Young est d'abord fabricant de machine-outils. Au début des années 2000, il obtient une licence de fabrication de MAN et d'autocars Neoplan. Ensuite, il s'offre l'ex-usine Subaru de Guizhou (afin d'avoir une licence de constructeur.) Il discute avec Ikco pour produire des Samand. Puis il se tourne vers Proton. Le Malaisien est englué dans un partenariat sans issue avec l'obscur Goldstar (à ne pas confondre avec l'ancien nom de LG.) Il est bien content de voir arriver Peng. Le PDG pose ses conditions : il veut produire des Gen-2 sous licence, sous la marque Lotus. Les voitures seront produites dans une usine flambant-neuve, à Hangzhou.
En 2008, Youngman déboule avec sa Lotus RCR. Faute d'autorisation pour le site de Hangzhou, les voitures sont produites chez Proton. La stratégie de Peng, c'est l'esbroufe. Sur les salons, c'est hôtesses en micro-jupes et poses suggestives. Quant aux voitures, elles sont dorées, chromées, fluos ou couvertes d'ailerons à rendre jaloux un yakuza. Son site joue la confusion entre Lotus Cars et "son" Lotus, afin de se donner une image "anglaise". Gag : il illustre la partie "historique" avec des Caterham. Il crée une équipe de cascadeurs, Lotus F1 (!), qui sillonnent les campagnes. Pour le nouvel an, il convie ses concessionnaires à des stages commandos. En plein mariage du Prince William, il recrute un jeune mannequin brésilien, le temps d'un salon. Les adolescentes chinoises en devienne folles : c'est un sosie de l'héritier royal ! Du coup, le mannequin est de toutes les opérations (ouverture de concessionnaires, show Lotus F1, etc.) avec séance de dédicace et de selfies !
La gamme s'étend un peu avec la berline L5 (une Gen-2 rallongée) et le SUV T6. Et les ventes atteignent 50 000 unités. Peng le self-made-man ne veut pas écouter les ordres de Proton. En plein "Lotus vs Lotus", il fait des œillades à Tony Fernandes. En théorie, Youngman doit distribuer les "vraies" Lotus. Mais l'accord fait long feu. Il exhibe une Europa et prétend qu'il va la produire ! Puis il se rapproche de Viktor Muller et du dossier Saab. Le problème, c'est que la valeur-ajoutée de Youngman est faible : ses L3 et L5 sont conçues par Lotus Engineering et il n'a pas le droit d'exporter. Il négocie des moteurs auprès de Mitsubishi, afin de prendre un peu d'autonomie. Peng n'hésite pas à publier des lettre-ouvertes où il fait des bras d'honneur à Dany Bahar, alors PDG de Lotus. Lorsque Proton est au bord du gouffre, Bahar fait une visite secrète (sauf que l'entretien a lieu en marge d'une opération de Lotus F1, en province et que Bahar y est le seul blanc à des kilomètres...) Bahar semble mandaté pour négocier le rachat de Lotus par Youngman.
Les négociations échouent. Proton connait une énième révolution de palais et le dossier Goldstar est ressorti. Apparemment, criblé de dettes, Peng ferme l'usine d'Hangzhou. Dans la grande tradition chinoise, il le fait silencieusement (pour une fois.)
Yougnman va me manquer. Autrefois, c'était un bon "client". Une journée calme, sans sujet à se mettre sous la dent ? Chez Youngman, il se passait toujours quelque chose ! "Lotus, aussi anglais que Tom Jones et U2", "Dany Bahar, j'en mange quatre comme lui au petit déjeuner !", "D'ici 2015, Lotus produira un million de voitures par an", etc.
Les L3 étaient beaucoup plus réussies que les L5 (la berline est un brin moins pire que la "Sportback").
RépondreSupprimerAprès, les Subaru de Yunque sont beaucoup plus intéressantes à voir.