Jaguar Land Rover Festival : 1. Les anciennes

Pour rien au monde, j'aurais manqué ce Jaguar Land Rover Festival. D'autant plus que c'est l'édition inaugurale d'un évènement appelé à devenir annuel. Donc, pour une fois, j'étais à l'heure... Je me suis levé aux aurores et j'ai débarqué dans un Montlhery brumeux. Au final, j'étais là avant l'ouverture des portes. Avantage : j'avais le festival pour moi tout seul ! Inconvénient : il y avait encore les voitures des prestataires en plein champ... Et surtout, cette épaisse brume.
Jaguar Land Rover se retrouve à un instant critique. Le Jaguar de 2007 était trop élitiste et sa gamme, pas assez développée. Land Rover avait moins de "trou", mais il avait besoin de glisser davantage des 4x4 purs et durs vers les SUV. Globalement, les deux marques étaient surtout présentes en Europe de l'Ouest et aux USA, alors que leurs rivaux possédaient déjà des têtes de sacrés têtes de ponts dans les BRICS.
A partir du moment où vous étendez votre gamme vers des véhicules à fort volumes (Jaguar XE et F-Pace, Range Rover Evoque...) et que vous ouvrez des pays comme la Chine ou l'Inde, mécaniquement vous connaissez une forte croissance. Ainsi, en 10 ans, JLR a quasiment triplé ses volumes.
Néanmoins, même en triplant ses volumes, JLR reste tout petit. En effet, Audi, BMW et Mercedes ne sont pas resté inactif. En 2007, un premium sur dix était un JLR. Aujourd'hui, c'est un premium sur sept. Pour peser, le constructeur doit encore au moins doubler ses ventes. De plus, en 2007, il pouvait piocher allègrement dans la banque d'organes de Ford, des moteurs aux commodo. Tata a pu négocier la prolongation de la fourniture jusqu'à la disparition des modèles (à ma connaissance, l'Evoque -lancé juste après le rachat- est le dernier à utiliser des équipements Ford.) Derrière, ils ont du investir dans la motorisation et l'ingénierie, avec un site R&D flambant neuf dans l'ex-usine Rootes de Ryton. Ford avait laissé trois usines. Pour s'attaquer aux BRICS, JLR a du construire des unités en Chine, en Inde et au Brésil. De plus, il vient de terminer un site en Slovaquie. Une implantation aux Etats-Unis est prévue. Avec ces investissements, le point-mort de Jaguar Land Rover a bondi. Terminé, le Jaguar rentable à 50 000 unités !


Pour autant, JLR ne peut plus compter sur des lancements pour croitre rapidement. Le Jaguar E-Pace et le Range Rover Velar n'auront sûrement pas un tel impact sur les ventes. Quant aux XF, Discovery et Discovery Sport, il s'agit de remplacements, pas d'extensions de gamme.
Le Jaguar Land Rover de 2017 doit consolider son image. Ne pas juste mettre des voitures en concession, mais les "vendre". D'où ce premier Festival, calqué sur les animations géantes du premium allemand.

Tous les pros du marketing vous le diront. Le story-telling est hyper-important. Charge à Jaguar et Land Rover de sortir le Tipp-ex pour créer une histoire à peu près cohérente. D'où la présence de nombreux véhicules anciens (qui s'en plaindra ?)

Côté Jaguar, l'histoire commence avec la XK 120. D'après la légende, à la fin des années 40, la priorité de Jaguar, c'était la berline Mark VII. Seulement voilà, le salon de Londres 1948 approchait, Jag' avait un châssis et un moteur, mais point de carrosserie. William Lyons fit créer à la hâte un roadster. Il l'a nomma XK, comme le nom du moteur et 120, comme 120MPH (185km/h), la vitesse de pointe annoncée. En 1948, seules les voitures ultra-sportives et ultra-exclusives de l'avant-guerre (Bugatti 57SC, Duesenberg SJ et Mercedes 540k) atteignait les 190km/h. Lyons était sûr de faire parler de lui ! Signalons que déjà, en 1936, le "100" de la SS100 faisait référence à sa vitesse de pointe (160km/h) et Lyons s'était montré optimiste sur le chiffre...
Comme prévu, la XK120 fit parler d'elle, au point où Lyons décida de la produire (du coup, la Mark VII du attendre 1950.) C'était la première voiture de sport vendue déjà carrossée. Lyons toujours à l'affut d'un "coup", livra le premier exemplaire de série à Clark Gable. Le constructeur débutant se fit ainsi connaitre aux Etats-Unis.
En 1950, Jaguar n'était qu'un des acteurs de l'access premium britannique parmi d'autres. Ses rivaux s'appelaient AC, Alvis, Armstrong-Siddeley, Bristol, Daimler, Humber, Jowett... Des marques qui avaient tendance à se reposer sur leurs lauriers. L'AC ACE ou la Jowett Jupiter étaient d'abord des créations de gentlemen-drivers, qui les ont proposé au constructeur. A contrario, Jaguar se remettait en permanence en question. La Mark I de 1955 marquait le début d'une nouvelle génération de berlines (d'où son nom.) Mais dès 1959, elle évolua en Mark II, plus puissante et surtout, avec une meilleure habitabilité.
En 1961, le forcing de Jaguar a été payant. En dix ans, le constructeur est devenu incontournable, en Europe et aux Etats-Unis. Ses rivaux sont K.O. ; il rachètait Daimler à BSA et profitait de son V8. Comme avec la XK120, en 1948, la Type E de 1961 proposait les dernières technologie à prix cassé. Le tout avec la crébilité d'un ancien multiple vainqueur des 24 heures du Mans. Cette fois-ci, il visait Maserati ou Iso-Rivolta...

Ici, c'est une série 1A, avec le fameux avant, mais sans les coques de phares.
XK120, Mark II et Type E, ce sont des incontournables. Néanmoins, il y avait aussi des véhicules moins connus comme cette DS420. Il s'agissait d'un dérivé de la Mark X, équipé du V8 Daimler. Elle fut vendue jusqu'à la fin des années 80, comme limousine (et comme corbillard.)
Le coin des mal-aimées... La XJ-S, au fond, eu le malheur de remplacer la Type E. Pendant un quart de siècle, de 1970 à 1995, Jaguar a survécu, point. Il y a bien eu l'aventure TWR en BTCC, puis au Mans. Néanmoins, contrairement aux Allemands, il n'a pris le virage de l'extension de gamme. Il est vrai que British Leyland manquait de moyens... La gamme se limita donc à la XJ et à la XJ-S. Lorsque Ford racheta Jaguar, en 1986, il envoya son directeur qualité. Il assista à un test d'étanchéité. Le technicien notait "96". Le directeur qualité : "96% ? C'est très bien. - Non, m'sieur, 96 points à revoir." Il y avait du boulot...
La XK8/XKR fut un succès. Cela faisait 20 ans que Jaguar développait une F-Type, butant sur des problèmes de masse. Jaguar n'osa pas faire le lien direct avec la Type E. La plaie était encore béante, au milieu des années 90... Depuis la F-Type, la XK se retrouve au purgatoire des voitures d'occasion.
Quant à la X-Type, grise, c'était une première tentative de petite Jaguar. Ford pensait que le public achèterait n'importe quoi avec un félin dessus. Mais cette Ford Mondeo "XJ-isée", c'était du foutage de gueule. Au moins, les puristes avaient crachés toutes leurs réserve de venin. Ils n'allaient plus réagit ensuite en voyant un break ou un diesel.
Allons maintenant chez Land Rover. "Land Rover" a d'abord été un nom de modèle. Au lendemain de la guerre, plusieurs constructeurs réfléchissaient à un tout-terrain polyvalent. Le besoin en véhicules était important, surtout dans les zones rurales, aussi bien pour des applications civiles, que militaire. D'où un véhicule minimaliste, censé satisfaire tout le monde.
L'intelligence de Rover fut d'écouter, voire d'anticiper les besoins. Ainsi, à la fin des années 50, la pénurie disparu petit à petit et le Land Rover se recentra sur des applications d'un tout-terrain classique. Les clients exigeaient un véhicule moins rustique, plus puissant, avec le cas échéant, un vrai toit. Bien sûr, tout est relatif. Ce que j'adore sur les premiers 110 (on parle d'empattement, pas de puissance...), c'est que la cellule centrale ressemble à un patchwork.
Dans les années 70, British Leyland se retrouvait avec un portefeuille de marques. Adepte jusqu'au bout de l'absurde, ils ont réagi en détachant des modèles pour en faire des marques ! Ainsi, Land Rover, Mini et Vanden Plas devinrent des marques à part entière. Vanden plas n'alla pas très loin. Par contre, les deux autres existent toujours. Par ailleurs, au fil des années 60, aux Etats-Unis, il y avait une montée en gamme des tout-terrains. C'était peut-être cela qui avait incité British Leyland à lancer le Range Rover. Le premier 4x4 haute performances.
Dans les années 80, le 4x4 était frimeur et urbain. Les marchands de jeans voulaient se prendre pour Indiana Jones. TWR prépara ainsi des Range Rover pour le Dakar. Puis, il y eu le fameux Gamelle Trophy...
Dans les années 90, "Chameau" voulait faire davantage un Koh-Lanta avant la lettre qu'un raid en 4x4. Accessoirement, avec les lois anti-tabac, Land Rover pouvait de moins en moins faire de promotion en Europe. Le constructeur claqua la porte. Quelques années plus tard, pour éponger les dettes du Rover Group, BMW vendit Land Rover à Ford. L'ovale bleu décida de ressusciter le concept du raid 4x4, avec le G4.
Le Discovery de droite est le dernier vainqueur. Pour info, c'était Rose Tan (qui pilota ensuite en Carrera Cup Asia) qui s'imposa. Celui de gauche a été préparé pour le G4 suivant, finalement annulé.

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