Un Vasarely sur le mur...

En tant qu'amateur de pubs murales, je ne pouvait qu'être sensible à cette pub pour un garage Renault...
D'autant plus qu'elle porte le logo "Vasarely" de Renault, donc antérieur à 1992... Ca ne nous rajeunit pas !

1992, c'était aussi l'année où Raymond Lévy prenait sa retraite. Celui qui fut PDG de Renault, de 1986 à 1992, est mort il y a deux semaines.
Il a été personnage-clef, même s'il était moins médiatique et médiatisé que ses successeurs Louis Schweitzer et Carlos Ghosn. C'était un patron à l'ancienne, toujours en costume, qui n'intervenait que dans des médias sérieux...
Le Renault pré-Lévy était une entreprise comme Thomson, Pechiney ou Aérospatiale : un géant franco-français, peu présent à l'étranger. Une entreprise, où, du bureau à l'usine, les gens avaient le sentiment que le client était acquis. C'était d'autant plus vrai chez Renault, au début des années 80, où il n'y avait plus qu'un unique concurrent. Un PSA, très affaibli. Raymond Lévy avait été nommé par Alain Madelin pour remplacer Georges Besse, assassiné. La première cohabitation fut brève. Derrière, c'était le second septennat de François Mitterrand, son très libéral premier ministre, Michel Rocard. Renault se retrouvait face à deux obstacles. Le premier, c'était une privatisation (qui n'arriva finalement qu'en 1996.) Le second, c'était 1992, la CEE et son ouverture à la concurrence. Dans l'automobile, ce la signifiait davantage d'ouverture à l'étranger... Mais aussi davantage de chahut, dans le marché intérieur. Des reformes étaient impératives, mais au milieu des années 80, les syndicats étaient en embuscades. La marge de manœuvre était faible, mais Lévy passa dans un trou de souris. Il obtint même la fermeture de l'emblématique usine de l'ile Seguin, en 1992. Thomson, Pechiney et Aerospatiale se sont faits dévorés. Pas Renault. Et c'est grâce à Raymond Lévy.
Il a donné de l'ampleur au design, en nommant Patrick Le Quément, pris à Ford, tsar du Style. Il a par ailleurs mis l'accent sur la qualité. La R21 (conçue avant son arrivée) portait déjà cette marque. Ensuite, les R19 et Clio furent beaucoup plus abouties que leurs devancières. Grâce à cela, Renault pu s'implanter davantage hors de France, notamment en Grande-Bretagne. Le géant Français devint un géant à l'échelle européenne.
Il a redynamisé l'image du constructeur avec le retour en F1, via le fameux V10...
Lévy a également redéployé la production hors de France. Terminées, les petites unités de CKD ! Depuis 1977, l'Espagnol FASA était intégrée au constructeur. En 1988, il fit de même avec le Slovène IMV, devenu Revoz. Ainsi, les Supercinq vendues ensuite en France provenaient de Slovénie. Lévy voulait transformer Škoda en simple usine Renault ; l'état Tchécoslovaque lui préféra l'offre de VW, qui prévoyait de garder la marque. La firme au losange tenta même sa chance dans une Chine à peine motorisée. Hélas, le partenaire Sanjiang, un équipementier aéronautique, fut un incapable.
La grosse erreur, ce fut Volvo. Lévy voulait une alliance avec ce partenaire de longue date. Dans l'optique d'une Europe sans frontière, le PDG trouvait Renault trop petit pour lutter. Les deux constructeurs avaient des cultures très différentes et en 1993, les négociations tombèrent à l'eau.
Lévy avait compris les enjeux du début des années 90, mais sa grille de lecture s'avéra obsolète dès le milieu des années 90. Côté produit, avec la Junior Jeep, Renault aurait pu prendre le virage des 4x4 compacts, au lieu de laisser les Kia Sportage et Toyota Rav4 faire la loi... Il revendit AMC car avec le contre-choc pétrolier, il y avait a priori un haro sur le premium et les grosses cylindrées. Ce que le succès de Lexus et d'Acura semblait confirmer... Mais en parallèle, il y avait une demande pour des compactes cossues, comme la Honda Civic. Pour Lévy, les "Global Overseas Market" (un terme poli pour les pays émergents) était synonyme de fabrication de R9 ou de R18 en CKD. Il n'avait pas du tout anticipé les BRICS. Et il y eu l'erreur des pays de l'Est, typiquement française... Jusque dans les années 80, la France était très présente politiquement, culturellement et économiquement en Europe Centrale et Orientale. Pour autant, on pensait qu'entre les réformettes de Mikhaïl Gorbatchev et les pouvoirs autoritaires d'un Nicolae Ceausescu ou d'un Erich Honecker, rien ne bougerait pendant encore 20 ans ! A Paris, quelques uns s'inquiètent de l'Ostpolitik de la RFA. L'Allemagne de l'Ouest arrosait les régimes de l'est pour mieux les faire chavirer... Mais Mitterrand était germanophile et personne n'osait le contredire sur son analyse des régimes communistes. Le 7 octobre 1989, la RDA fêtait en grande pompe ses 40 ans. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait. On a montré les images des Allemands de l'est s'engouffrant dans les interstices. Mais au même moment, les industriels de l'ouest faisaient le chemin dans l'autre sens ! Côté automobile, les pays de l'est roulaient dans des occasions occidentales de deuxième ou de troisième main. Les voitures neuves, surtaxées, étaient hors de prix. Pour Lévy, la seule solution, c'était de l'entrée de gamme et pour des pays géographiquement collés à l'ouest (comme la Slovénie ou la Tchécoslovaquie.) Dacia était donc trop loin. Il n'avait pas perçu qu'une fois le mur tombé, les Allemands investiraient lourdement à l'Est et qu'ils feraient du lobbying pour que les pays soient raccrochés à la CEE. L'Europe Centrale devint le sous-traitant de l'Allemagne et la nouvelle classe moyenne roulait en allemandes. Et il fallu une décennie à Renault pour réagir et courir après son ex-fiancée, Dacia. Remarquez, PSA aussi, laissa filer son partenaire Roumain, Oltcit.

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