Dé-ou
Une Daewoo Nexia. On n'en voit plus beaucoup sur nos routes...
Parmi les histoires que j'évoquerais dans mon futur livre sur l'automobile Coréenne, il y aura la grandeur et la décadence de l'empire Daewoo. Si vous voulez créer une entreprise performante, il faut savoir prendre des risques. L'autre jour, j'ai évoqué Jaguar. Je suis sûr qu'au salon de Londres 1948, des experts ont pouffé de rire en voyant la XK120. "Produire en série une voiture de sport déjà carrossée ? A ce niveau de gamme, la clientèle veut de l'exclusif ! A la limite, un constructeur peut proposer une demi-douzaine de châssis carrossés, comme Bugatti avec l'Atlantic. Ou quelques dizaines, comme les Mercedes 500k et 540k. Mais ja-mais un client ne voudra d'un roadster produit à des centaines, voir à des milliers d'exemplaires !", "La carrosserie et la mécanique sont deux métiers distincts ! A vouloir être polyvalent, Jaguar va se planter sur les deux tableaux !" Ah ça, il y a toujours des gens pour vous démontrer par A+B qui votre idée ne marchera jamais. Quelle est la différence entre un génie visionnaire et un fou ? C'est tout simplement que le premier a réussi, alors que tout les deux avaient 1000 raisons d'échouer.
Kim Woo-Joong n'est pas passé loin du génie. Avec Daewoo, il a bâti tout seul un chaebol, un conglomérat ultra-diversifié. Il est venu à l'automobile parce qu'il y avait de l'argent à se faire. Il a racheté Saehan, qui était né sur les cendres de GM Korea. Grâce au partenariat avec GM, il a pu piocher dans les banques d'organes d'Opel, de Suzuki et d'Isuzu. Le plus fort, c'était la Le Mans, une Kadett produite en Corée et vendue aux Etats-Unis avec un badge Pontiac ! En 1992, GM lâcha Daewoo. En conséquence, la marque pouvait partir à la conquête du monde. La Nexia n'était qu'une Le Mans rebadgée. Elle était techniquement obsolète et sa finition "made in Korea" n'était guère rassurante. L'argument choc, c'était un prix cassé. Dans l'électroménager, la micro-informatique et la hifi, Daewoo, c'était déjà le roi du low-cost. En dessous d'un certain prix, le consommateur n'est pas très regardant. A la même époque, l'URSS et ses satellites s'effondrait. Des dizaines de constructeurs automobiles étaient privatisés à la hussarde. En les reprenant, Daewoo se posait en sauveur et les gouvernements n'hésitaient pas à lui faire un chèque. Kim était désormais à la tête de la deuxième entreprise de Corée, derrière Hyundai, mais devant LG et Samsung. Pour se consolider dans la hifi, il voulait racheter Thomson pour un franc symbolique. Dans l'auto, il était le dixième constructeur mondial, alors qu'il venait de nul part. Le talon d'Achille, c'était l'endettement. Il se finançait via la bourse et via des crédits pour racheter ou créer de nouvelles entreprises. Et pour afficher un beau bilan, les dettes étaient placées dans des filiales off-shore. Accessoirement, Kim est un ancien d'une des plus prestigieuses universités de la péninsule ; d'où des liens étroits avec la politique. Lorsque la Corée du Sud est frappée par une crise économique, Daewoo fait d'abord figure de bon élève. Contrairement aux autres, il exportait massivement et il était donc moins dépendant des marchés intérieurs. Il a même pu racheter Ssangyong au sidérurgiste éponyme, en 1998. Dans le low-cost, les profits sont faibles et il faut davantage de volume pour récupérer sa mise. Avec la crise, les volumes baissaient et Daewoo perdait de l'argent, alors qu'il était déjà surendetté. En 1999, un an après le rachat de Ssangyong, le chaebol faisait faillite. Kim, accusé de faillite frauduleuse, d'emprunts illégaux et d'évasion fiscale, s'enfuyait au Vietnam. En France, il y eu l'épisode de la fermeture d'une usine de micro-ondes, dans un climat très tendu. A l'issue d'une grève interminable, le site fut incendié (par des syndicalistes ?) GM était intéressé par la branche auto, mais c'était un méli-mélo de filiales et de sociétés imbriquées les unes dans les autres. Ce n'est qu'en 2001 que Daewoo Motor pu être détaché du conglomérat mourant. GM fit son marché. Certaines usines hors de Corée étaient jugées "pas assez rentables" ou "trop syndiquées" et elles furent mises de côté. En Roumanie, en Pologne, en Ukraine et en Egypte, elles poursuivirent en solo. Aujourd'hui, en Ouzbékistan, Daewoo existe toujours... Mais uniquement à l'export, en Russie (pour ne pas être confondu avec les Chevrolet vendues sur place.)
Parmi les histoires que j'évoquerais dans mon futur livre sur l'automobile Coréenne, il y aura la grandeur et la décadence de l'empire Daewoo. Si vous voulez créer une entreprise performante, il faut savoir prendre des risques. L'autre jour, j'ai évoqué Jaguar. Je suis sûr qu'au salon de Londres 1948, des experts ont pouffé de rire en voyant la XK120. "Produire en série une voiture de sport déjà carrossée ? A ce niveau de gamme, la clientèle veut de l'exclusif ! A la limite, un constructeur peut proposer une demi-douzaine de châssis carrossés, comme Bugatti avec l'Atlantic. Ou quelques dizaines, comme les Mercedes 500k et 540k. Mais ja-mais un client ne voudra d'un roadster produit à des centaines, voir à des milliers d'exemplaires !", "La carrosserie et la mécanique sont deux métiers distincts ! A vouloir être polyvalent, Jaguar va se planter sur les deux tableaux !" Ah ça, il y a toujours des gens pour vous démontrer par A+B qui votre idée ne marchera jamais. Quelle est la différence entre un génie visionnaire et un fou ? C'est tout simplement que le premier a réussi, alors que tout les deux avaient 1000 raisons d'échouer.
Kim Woo-Joong n'est pas passé loin du génie. Avec Daewoo, il a bâti tout seul un chaebol, un conglomérat ultra-diversifié. Il est venu à l'automobile parce qu'il y avait de l'argent à se faire. Il a racheté Saehan, qui était né sur les cendres de GM Korea. Grâce au partenariat avec GM, il a pu piocher dans les banques d'organes d'Opel, de Suzuki et d'Isuzu. Le plus fort, c'était la Le Mans, une Kadett produite en Corée et vendue aux Etats-Unis avec un badge Pontiac ! En 1992, GM lâcha Daewoo. En conséquence, la marque pouvait partir à la conquête du monde. La Nexia n'était qu'une Le Mans rebadgée. Elle était techniquement obsolète et sa finition "made in Korea" n'était guère rassurante. L'argument choc, c'était un prix cassé. Dans l'électroménager, la micro-informatique et la hifi, Daewoo, c'était déjà le roi du low-cost. En dessous d'un certain prix, le consommateur n'est pas très regardant. A la même époque, l'URSS et ses satellites s'effondrait. Des dizaines de constructeurs automobiles étaient privatisés à la hussarde. En les reprenant, Daewoo se posait en sauveur et les gouvernements n'hésitaient pas à lui faire un chèque. Kim était désormais à la tête de la deuxième entreprise de Corée, derrière Hyundai, mais devant LG et Samsung. Pour se consolider dans la hifi, il voulait racheter Thomson pour un franc symbolique. Dans l'auto, il était le dixième constructeur mondial, alors qu'il venait de nul part. Le talon d'Achille, c'était l'endettement. Il se finançait via la bourse et via des crédits pour racheter ou créer de nouvelles entreprises. Et pour afficher un beau bilan, les dettes étaient placées dans des filiales off-shore. Accessoirement, Kim est un ancien d'une des plus prestigieuses universités de la péninsule ; d'où des liens étroits avec la politique. Lorsque la Corée du Sud est frappée par une crise économique, Daewoo fait d'abord figure de bon élève. Contrairement aux autres, il exportait massivement et il était donc moins dépendant des marchés intérieurs. Il a même pu racheter Ssangyong au sidérurgiste éponyme, en 1998. Dans le low-cost, les profits sont faibles et il faut davantage de volume pour récupérer sa mise. Avec la crise, les volumes baissaient et Daewoo perdait de l'argent, alors qu'il était déjà surendetté. En 1999, un an après le rachat de Ssangyong, le chaebol faisait faillite. Kim, accusé de faillite frauduleuse, d'emprunts illégaux et d'évasion fiscale, s'enfuyait au Vietnam. En France, il y eu l'épisode de la fermeture d'une usine de micro-ondes, dans un climat très tendu. A l'issue d'une grève interminable, le site fut incendié (par des syndicalistes ?) GM était intéressé par la branche auto, mais c'était un méli-mélo de filiales et de sociétés imbriquées les unes dans les autres. Ce n'est qu'en 2001 que Daewoo Motor pu être détaché du conglomérat mourant. GM fit son marché. Certaines usines hors de Corée étaient jugées "pas assez rentables" ou "trop syndiquées" et elles furent mises de côté. En Roumanie, en Pologne, en Ukraine et en Egypte, elles poursuivirent en solo. Aujourd'hui, en Ouzbékistan, Daewoo existe toujours... Mais uniquement à l'export, en Russie (pour ne pas être confondu avec les Chevrolet vendues sur place.)
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