Desert rose

Une Jaguar S-Type, surprise en train d'être garée en double-file... On n'en voit pas beaucoup et elle a tendance à être oubliée. Pourtant, c'est la renaissance de Jaguar ! Un mouvement qui se prolonge jusqu'à aujourd'hui, même si la route ne fut pas très droite...

Pendant les années 70-80-90, Jaguar, c'était la XJ et la XJ-S (puis la XK8), point final. Alors que Mercedes ou BMW possédait déjà une gamme complète avec des berlines, un break, un coupé, un cabriolet, un roadsters et bientôt, un SUV. A la fin des années 60, Jaguar construisait trois berlines, la S-Type, la MK II et la MK X/420 (NDLA : notez au passage le manque de cohérence dans la dénomination...) Elles se tiraient dans les pattes. William Lyons, alors sur le départ depuis le rachat par BMH, prit la décision qu'au lancement de la XJ, en 1968, les autres berlines s'arrêteraient. Ensuite, avec la présence de Rover au sein de British Leyland, la marque félin ne pouvait pas descendre en gamme. Le groupe avait déjà assez de problème de concurrence interne comme cela... Lorsque la marque devint indépendante, au milieu des années 80, elle songea à une berline placée en-dessous de la XJ (ainsi qu'à un gros coupé sportif, mais c'est une autre histoire.) Lorsque Ford prit le contrôle, il vit qu'il fallait surtout colmater les brèches : le constructeur avait une dette abyssale, des ventes en chute libres et une XJ6 (XJ40) dont le déploiement s'éternisait... Ital Design avait-il entendu parler de cette "petite Jaguar" lorsqu'il dévoila la Kensington ? Etait-ce un moyen de discrètement soumettre son CV à Ford ? En tout cas, le projet fut enterré.

Au milieu des années 90, le renflouage était achevé. L'heure était désormais au rattrapage du temps perdu. Ca commença avec la XK, en 1995. La seconde étape, c'était cette fameuse grande routière, la S-Type. Ford cherchait à développer la plateforme DEW. La S-Type fut ainsi la cousine des Ford Taurus et Lincoln LS. La firme à l'ovale bleue songea à vendre cette dernière en Europe, où la Scorpio n'avait pas de descendance. La S-Type fut dévoilée au salon de Birmingham 1998, à quelques pas de la Rover 75. Les observateurs ne manquèrent pas de signaler les similitudes (les quatre phares ronds, l'esprit de clin d’œil au passé...) et les différences. Jaguar étant allé beaucoup plus loin dans le style "rétro". La fine calandre et les phares étaient un rappel de la S-Type des années 60. Mais il n'y avait plus aucune parenté avec la XJ. Sous le capot, terminés, les 6 cylindres en ligne ! Place aux V6 et aux V8. Sans oublier la S-Type R. Un V6 turbo-diesel arriva sur le tard.
L'autre volet du développement, c'était le marketing. Il y eu l'écurie de F1, bien sûr. Mais la S-Type apparu pas très discrètement dans le clip Desert rose de Sting. Le chanteur fut même brièvement "ambassadeur de la marque". Ses fans pointèrent les contradictions avec ses engagement écologistes... J'aime bien Sting, en tant que chanteur. Mais son opportunisme politique et commercial est lassant à la longue... D'ailleurs, Desert rose était une tentative pour surfer sur la vogue électronique (les synthés en intro) et world (avec la présence de Cheb Mami.)
On ne fait pas renaitre une marque comme cela. Jaguar, c'était 30 000 voitures par an, une présence essentielement axés sur l'Europe de l'ouest, les Etats-Unis et le Japon. Sans oublier une confiance perdue depuis les années British Leyland. Pourquoi acheter une Anglaise, alors que les Allemands et les Japonais faisaient de bons premium ? Surtout qu'en terme de finition, le parrain Américain avait privilégié le clinquant à la qualité perçue... La S-Type aurait eu besoin de temps. Or, à l'été 2001, le constructeur dévoila la X-Type. Cette dernière monopolisait l'intention. Qu'il s'agisse des efforts du service marketing ou des hurlements des puristes face à cette Mondeo recarrossée. La S-Type disposait d'une plateforme et des mécaniques Ford et ça avait été à peu près accepté par le public. L'ovale bleu a donc sans doute cru qu'il pouvait aller plus loin... En prime, les rondeurs de la S-Type étaient passées de mode.

En 2007, elle céda sa place à la XF, alors que Tata venait de s'offrir JLR. La S-Type avait essuyé les plâtres. Désormais, le best-seller de Jaguar, c'était la grande routière, brisant ainsi 30 ans de monoculture XJ. Et ça ne choquait plus personne de voir un V6 ou un diesel sous le capot.

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