Camion à pizza sans pizza

Dans Paris, j'ai croisé ce Saviem SG2, version fourgon, à châssis long. Un camion-pizza avec à l'arrière, un numéro à 7 chiffres, mais une plaque récente (de la Dordogne.) Il y a une belle couche de guano sur le toit et des feuilles mortes dessous, mais les pneus ne sont pas à plat. Alors, est-ce un véhicule ventousé ? Le propriétaire a-t-il récupéré ce Saviem (dans l'optique d'en faire un food-truck ?) et il l'a laissé en l'état, faute de budget pour poursuivre ?

En tout cas, c'est dommage pour ce Saviem. J'aime bien les SG2, avec leurs rondeurs, par opposition à l'anguleux Type H. Mais justement, le seul food-truck à avoir droit de citer, aujourd'hui, c'est le Citroën. Pourtant, ce Saviem est plus spacieux...
Ce fourgon me fait penser à un SG2 que j'ai vu récemment dans un documentaire. Un minibus "clando", qui roulait sur les pistes boueuses du Cameroun profond. Les "clando" parcourent la brousse. Les véhicules sont souvent très, très fatigués. Mais les chauffeurs (qui n'ont pas le permis) n'investissent pas le moindre CFA en pièces détachées. De toute façon, il n'y a pas d'alternatives. Parfois, les pistes ont été dégradées par les paysans, qui peuvent ainsi monnayer branches et cailloux pour sortir les véhicules de là... Ce documentaire montrait que dans cet environnement difficile, chacun en profite pour soutirer de l'argent à d'autres... On voyait aussi un village isolé. La route a été envahie par les mauvaises herbes, faute d'entretien et ce n'est plus qu'une piste pour motos. Pourquoi est-ce que les jeunes ne débroussaillent-ils pas eux-mêmes ? A minima, ils pourraient enlever les ronces... Je sais, c'est toujours facile de faire la leçon, depuis mon petit confort...
A la TV, l'Afrique se résume souvent à la brousse. L'Afrique urbaine, la classe moyenne Africaine, on la voit à peine. Il existe pourtant des PME des secteurs textile et agro-alimentaire, quelques start-up, un secteur bancaire et surtout, des entreprises d'import-export. Autant d'entreprises qui hélas, créent peu d'emplois. Économiquement, l'Afrique sub-saharienne ne pèse rien. Mais entre la démographie galopante et le réchauffement climatique, c'est une poudrière. Je ne crois pas aux ONG et à la politique du chéquier. Au mieux, on tue l'agriculture et l'artisanat locaux en distribuant des produits gratuits. Au pire, l'argent et les denrées sont captées par des intermédiaires.
Ce qui est productif à moyen, long terme, c'est d'investir dans des entreprises locales. L'Afrique Sub-saharienne a un besoin criant en transport. Voitures, bus, camions... Des industriels ouvrent des chaines d'assemblage. Dans les poids-lourd, on voit fleurir les centres logistiques de pièces détachées. Il y a également des centres de formation de mécaniciens (parce qu'avec l'électronique embarquée, plus question de faire appel à des "mécaniciens de brousse".) L'idéal, ça serait qu'un cercle vertueux se mette en place. Le Maroc est passé de l'usine tournevis à une vraie industrie de l'automobile. J'espère que demain, le Nigeria, l'Ethiopie ou le Kenya feront de même, avec l'implantation d'équipementiers locaux et d'un tissus de sous-traitants.
Cela entrainera des emplois directs et indirects. Je pense qu'il y a également un effet psychologique bénéfique. L'afro-pessimisme domine en Afrique. Les discours les plus négatifs, voire les plus racistes sur l'Afrique que j'ai entendu, ils sortaient de la bouche d'immigrés d'Africains ! Alors imaginez si, le matin, sur le chemin de l'école, au lieu de voir les adultes tenir le mur, les enfants passent devant des bureaux et des usines... Ils voient l'avenir autrement. Les causes des troubles Africains sont multiples. Mais je pense qu'un jeune adulte qui a confiance en l'avenir sera moins enclin à enfiler une ceinture d'explosifs ou à s'entasser dans un cargo vers l'occident...

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