Rétromobile 2020 : 5. Ford Thunderbird

D'une Ford à l'autre. Après la Sierra Cosworth de Didier Auriol, voici une Thunderbird noire, croisée chez un négociant. Elles n'ont pas grand chose en commun, ces deux Ford. Même pas le blason, vu que la T-Bird disposait de son propre emblème !
Comme souvent, la genèse était pleine de légendes.

Le bras droit d'Henry Ford II, Lewis Crusoe, débauché à GM et le vice-président du design, George Walker se rendirent au salon de Paris 1951. Ils venaient épauler Ford SAF, lors du lancement de la Vedette reliftée (le côté "made in USA" étant un sacré atout à l'époque.) La présentation finie, les deux hommes visitèrent les autres stands du Grand Palais. Crusoe se serait arrêté devant une voiture (NDLA : la Delahaye 235, grande nouveauté du salon ?) et se serait écrié : "Pourquoi est-ce qu'on n'en fait pas des comme ça ?"
De retour à Dearborn, Walker sonna le clairon. Il fallait créer une voiture de sport "à l'Européenne".

Hasard ou coïncidence, vers 1953, Henry Ford II demanda à Willys Wagner (designer en charge de l'international) de lui créer une Ford sportive (en réaction à la Corvette, dévoilée en janvier ?) Wagner se tourna vers Frank Kurtis, concepteur de châssis d'Indycar. Kurtis fit sous-traiter le travail à Vince Gardner. Il en résultat la Vega. Elle ressemblait étrangement à l'AC Ace contemporaine, mais avec des phares sous trappes (Gardner ayant travaillé sur la Cord 810/812.) Trop chère, trop typée et compliquée à industrialiser, la Vega fut oubliée.

Plus prosaïquement, à Detroit, tout se sait. Les sièges de Chrysler, Ford et GM étaient situés à un jet de pierre et les gens comme Crusoe passaient d'une entreprise à une autre. Au début des années 50, l'ovale bleu savait forcément que Chevrolet travaillait sur la Corvette. Les deux constructeurs se marquaient à la culotte ; Ford se devait de réagir.
Bien sûr, que Ford dise à ses troupes "GM va lancer une voiture de sport ; on doit faire pareil" c'est moins glamour qu'un cadre se pâmant devant une Delahaye...

En tout cas, en février 1954, 1 an et 1 mois après la présentation de la 'Vette, la Thunderbird faisait ses débuts au salon de Detroit. Elle reposait sur un châssis raccourci de berline. La 'Vette se contentait d'un 6 cylindres "Blueflame" 150ch, alors que la T-Bird inaugurait la version 4,8l 193ch du V8 "Y". L'objectif était avant tout d'occuper le terrain : la chaine de montage ne démarra qu'en septembre. Face aux 600 unités de sa rivale, Ford osait à peine rêver de 4 000 unités pour le millésime 1955. Il en vendit 16 155. Avec 15 631 unités en 1956, la Thunderbird confirma que ce n'était pas que l'attrait de la nouveauté. En face, GM faisait de l'aviron. La C1 reçu un V8 (moins puissant que celui de Ford) en 1955. Zora Arkus-Duntov, le chef de projet, fit du lobbying pour créer des 'Vette plus sportives et redresser la barre. La Thunderbird, elle, parti en 1958 dans une direction plus luxueuses, la deuxième génération ayant quatre places.
Un peu plus loin, un autre négociant propose aussi une Thunderbird. L'occasion de continuer mon histoire.

Il faut remettre les choses dans leur contexte. Pour reprendre l'exemple de la Delhaye 235, avec son V12 à trois carburateurs, elle développait 150ch. Quant aux 15 000 unités par an, c'était davantage que ce que produisirent Bugatti, Delahaye, Delage et Talbot-Lago réunis, après la guerre !

Mais un Américain comme Ford savait produire des voitures de sport performantes et en grandes quantités, grâce à une véritable machine de guerre. C'était l'illustration de la domination industrielle US. A ce propos, notez les feux arrières, inspirés des tuyères des jets.
Le nom Thunderbird viendrait de la mythologie amérindienne. Il apparait dans plusieurs tribus de l'ouest Américain (sans doute suite à des découvertes de fossiles de ptérodactyles.)

Une version moins glamour dit que "Thunderbird" fut suggéré par un cadre Californien, du nom du club de golf où il avait ses habitudes.
Avec la Thunderbird, Ford quittait le modèle unique.

Henry Ford avait théorisé la "voiture universelle". La T devait être l'alpha et l'oméga de l'automobile. Avec ses versions 2 places, 4 places, 6 places, avec portes, avec toit fixe, etc. Elle devait pouvoir se plier à tous les usages. Ford créa également un camion (le TT) et un tracteur agricole (le Fordson) basés sur la T !
Près d'un demi-siècle plus tard, tous les généralistes restaient accrochés à son dogme du modèle unique que l'on commercialise sous différentes carrosseries (Peugeot y étant fidèle jusqu'à 1965 et l'arrivée de la 204.)

Henry Ford II était donc sans doute content de contredire son encombrant grand-père. Il fallu tout de même attendre la Falcon (1960) pour qu'il y ait deux plateformes différentes chez Ford. Puis, en 1962, la Fairlane fut détachée du bloc principal, pour devenir un modèle intermédiaire. Pourtant, il fallu encore dix ans pour que l'ovale bleu abandonne l'idée d'un modèle centrale.
Dans les années 80, pour une raison inconnue, la Thunderbird première génération fut une star du jouet.

Le logo, lui, fut repris quasiment tel quel par Chevignon.

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