Copieception !

Avant de partir aux Philippines, j'ai reçu un message d'un aigri. Il ne connaissait pas Alan Sillitoe et il pensait que je parlais de lui dans un article. Du coup, il m'a laissé un message plein de gentillesse, dont voici un extrait :

Si mon écriture était médiocre, pourquoi est-ce que mon blog est de plus en plus consulté, dépassant les 20 000 vues en décembre ? Si mon écriture était médiocre, pourquoi est-ce que régulièrement, je suis sollicité par des médias et qu'on me propose d'écrire des communiqués de presse ? Et surtout, pourquoi est-ce que régulièrement, je découvre qu'on s'est "inspiré" de mes articles ? Qui irait copier du papier-toilette ?

Le dernier cas en date concerne Josef Ganz. Ce Juif d'origine Hongroise est régulièrement présenté comme le vrai "père" de la Coccinelle.

Coup sur coup, je n'ai pas reçu un, mais deux liens vers deux articles différents, évoquant Josef Ganz :

Le premier lien, le Times of Israel est assez complet. Je reviendrais d'ailleurs dessus.

Le second, c'est un papier bâclé. Un ton "mort de lol". Et surtout, il rappelle beaucoup quelque chose que j'ai moi-même écrit.

Petite parenthèse. Des Juifs dans l'industrie automobile de l'Allemagne de l'entre-deux guerre, il y en a eu quelques uns. Le plus célèbre fut Paul Jaray, un pionnier de l'aérodynamique. Jaray était obsédé par les arrières fuyants.

Mort en 1898, Siegfried Marcus n'a jamais connu les chemises brunes. En 1870, cet inventeur Viennois avait eu l'idée de mettre un moteur à explosion dans une charrette. Son véhicule, très rudimentaire, n'avait ni frein, ni direction et le moteur était si poussif que sa charette s'essoufflait sur le moindre faux-plat. Pour autant, c'était le premier véhicule à moteur à essence autopropulsé, 16 ans avant Gottlieb Daimler et Karl Benz ! Seulement voilà, Marcus était Juif et 40 ans après sa mort, les nazis firent effacer son nom.
L'antisémitisme nazi était d'une stupidité sans borne. René Dreyfus était l'un des meilleurs pilotes des années 30. Mercedes-Benz voulait embaucher ce Français. Refus de la Fédération Sportive Allemande (tenue par les nazis) : Dreyfus (qui était catholique) avait un nom qui "sonnait juif".

Puisque l'on parle de voitures de courses, le cas des Auto-Union de Grand Prix était édifiant. Dans les années 30, ce furent de terribles armes de propagande nazi. Et pourtant... Ces voitures furent en fait un concept créé à l'extérieur, pris en main par Ferdinand Porsche, puis vendu clef-en-main à Auto-Union.
A l'origine de la série, il y a la RH de 1923, conçue par Edmund Rumpler, un Juif. Willy Walb fut le chef de projet auprès de Rumpler, puis de Porsche. Il assura la mise au point de la voiture et fut le premier team-manager d'Auto-Union. Juif, il fut écarté en 1935. Adolf Rosenberger, directeur financier d'Auto-Union et pilote amateur, suggéra au constructeur d'acheter le projet pour relancer la marque. C'était aussi un Juif.

Reste la Volkswagen [Coccinelle]. Ce projet de voiture du peuple était le point d'orgue de la propagande nazie. On disait qu'Hitler s'était personnellement impliqué dans son développement. Cette case de BD représente bien ce que l'on a longtemps cru.

Des Juifs impliqués dans le développement de cette voiture "100% aryenne", on en trouve après-guerre.
Chassé d'Autriche lors de l'Anschluss, l'Israélien Felix Burian fut le tout premier importateur de Volkswagen. Adolf Rosenberger, le directeur financier d'Auto-Union, participa à la création de Volkswagen South Africa et à la création de l'usine d'Uitenhage (qui existe toujours.) Max Hoffman, une autre victime de l'Anschluss, fut le premier à vendre des Volkswagen aux Etats-Unis. John von Neumann et sa Competition Motors de Los Angeles, le second. Les Juifs New-Yorkais Bill Bernbach et Mac Dane, deux des trois associés de DDB, lancèrent la fameuse série de campagnes de pub. Ils s'amusaient d'ailleurs de "vendre la voiture d'Hitler". Fin de la parenthèse.

La Coccinelle, c'était une voiture créée par les aryens, pour les aryens.

Qu'un Juif, a fortiori immigré Hongrois, en soit à l'origine, c'est cocasse.

En 2009, Paul Schilperoord publia un livre -en Néerlandais- démontrant Josef Ganz avait conçu la petite voiture Allemande.
Depuis, de nombreux articles ont évoqué cet ingénieur oublié :

Moi-même, j'ai hurlé avec les loups, pour Le Blog Auto.

A l'époque Paul Schilperoord était l'unique source biographique sur Josef Ganz. Et comme les autres, j'encensais l'ingénieur.

8 ans plus tard, pour un second article, j'étais nettement plus timoré :

Et donc, le kilicool de Jewpop s'est beaucoup inspiré de mon article de 2008.

C'est très subtil ; il a fait des périphrases. On n'est pas chez Gatsby Online !

Le seul copier/coller concerne les illustrations, avec le 470 de largeur, typique du Blog Auto de 2009. Illustrations dont je n'étais pas propriétaire.

En plus, il m'a nommé comme source. Donc je n'ai pas à me plaindre. Même s'il s'est servi de plusieurs journées de recherches pour taper (mal) quelque chose en 5 minutes.

S'il l'a fait avec moi, il a du le faire avec d'autres. C'est donc gonflé de mettre un copyright en bas de l'article...

Le point qui me chiffonne, c'est qu'il est très univoque, encore plus que Paul Schilperoord (qu'il ne cite pas.)
Car lorsque Josef Ganz fut chassé et que Ferdinand Porsche récupéra ses archives, il ne partait pas de zéro. Porsche avait déjà conçu les prototypes Zundapp 12 (1931) et NSU-Fiat 32 (1934), sans oublier la Mercedes-Benz 130 (1933), qui fut produite en série.

Ganz avait conçu un cyclecar, sans toit, à moteur arrière. Il l'avait baptisé "Volkswagen" et surnommé "Käfer" (qui fut le surnom de la Coccinelle en Allemagne.) Il finit par la produire, en 1936, par Standard (une émanation du constructeur Britannique) et ce fut un flop, comme la Mercedes-Benz 130 de Porsche.

Ganz et Porsche butaient sur des problèmes techniques, ainsi que sur les coûts de production. La solution, ils la trouvèrent avec la Tatra T97 (1936.) Le constructeur Tchèques accusa Kdf (l'organise d'état en charge de la Volkswagen) de plagiat. La T97 possédait un arrière plongeant typique de Paul Jaray, son designer. Et la Coccinelle en reprit largement les lignes. De profil, c'est particulièrement édifiant. L'ingénieur Juif spolié par Volkswagen, c'est Jaray, pas Ganz !

Jaray était un proche de Ganz. Ce dernier a même possédé des Tatra. Il y a donc eu des aller-retours entre les deux hommes.

Le Times of Israel montre Jaray en passager de Ganz, à bord de son prototype.
Une photo à laquelle Jewpop a préféré un cliché de son prototype, plus petit et sans Jaray. Mon article de 2008 parlait des Zundapp, Mercedes-Benz et Tatra. Tout ceci fut effacé, comme s'il ne fallait pas contredire Ganz.
Mon impression générale, c'est qu'Alain Granat a déformé mes propos. Et ça me met plus mal à l'aise que les périphrases.