Rétromobile 2018 : 23. Jaguar XJ 220C

Il y avait une Jaguar XJ220 à Montlhéry, mais j'ai oublié de l'immortaliser. A Rétromobile, il y a encore mieux : une XJ220 C, ex-David Coulthard, David Brabham et John Nielsen, (presque) victorieuse au Mans !
Au milieu des années 80, Jaguar s’apprêtait à faire son grand retour en endurance. A Coventry, on sentait bien que la victoire était à portée de main, face à un Porsche qui s'était endormi sur ses lauriers (faute d'opposition.) Problème : comme toutes les Groupe C, les Jaguar XJR ne ressemblaient à rien. D'où une idée incroyable : créer une supercar au look très "Jaguar" capable de remporter Le Mans !
Elle reçu un V12 dérivé des Groupe C. Tony Rolt fut chargé de lui donner une transmission intégrale. Deux équipes de designers s'occupèrent du look. Les premiers auraient dit-on, créé une simi-Porsche 959. Les autres s'inspirèrent de la XJ13 (une sport mort-née des années 60), du concept-car XJ Spider de Pininfarina et du coupé XJ41 (encore un projet mort-né.) Ce fut, sans surprise, la seconde équipe qui gagna. Faute de financements, Jim Randle, le responsable technique, du faire appel au volontarisme de ses ingénieurs pour travailler dessus le soir et le week-end ! Du coup, le concept-car ne fut dévoilée qu'au salon de Birmingham 1988. Et ce n'était qu'un prototype... Dans les années 50, Jaguar affichait crânement la vitesse de pointe (en MPH) de ses XK (d'où les XK120, XK140 et XK150.) Dans le même esprit, le concept-car fut baptisé XJ220, comme 220MPH (soit 352km/h) en pointe. Soit 25km/h de mieux que la Ferrari F40, présentée l'année précédente !
Ensuite, ce fut une série de catastrophes. La XJ220 était impossible à industrialiser en l'état. D'autant plus que Jaguar était déjà bien occupé avec les restylages des XJ et XJ-S... TWR s'occupait de construire les XJR du Mans. Il possédait une joint-venture avec Jaguar, Jaguar Sport, qui commercialisait alors des versions sportives des modèles. TWR récupéra le bébé. Pour le moteur, le V12 était inadapté à un usage routier. Jaguar racheta le V6 Turbo de la MG Metro 6R4 de Groupe B à Austin-Rover. La mécanique fut totalement reconstruite, mais pour les puristes, c'était un sacrilège : une Jaguar à moteur de Metro, shocking ! Ensuite, la transmission intégrale, trop complexe, fut bazardée... Jaguar Sport n'avaient pas des moyens de production pour réaliser de la moyenne série. Il fallu construire une usine ex nihilo à Wykham Mill.
En prime, les relations entre TWR et Jaguar tournèrent au vinaigre. TWR avait créé sa propre supercar, la XJR-15. Elle disposait effectivement du V12, ainsi que d'une coque tout carbone. En 1990, il lança une coupe monotype, en ouverture des Grand Prix Européens, avec des pilotes comme Tiff Needell, Derek Warwick ou Bob Wollek. Après trois courses, Jaguar tira le frein à main.

Au salon de Tokyo 1991, la XJ220 de série fut enfin présentée. Le prix avait grimpé de 50% au passage. Les clients potentiels furent déçu par rapport au concept-car... Et par rapport à la XJR-15 ! En prime, la conjoncture économique n'était plus aussi favorable. La marque au félin envisageait 350 exemplaires, mais les volontaires ne se bousculaient pas.
En attendant que Wykham Mill ne démarre, Jaguar se rendit avec Martin Brundle et le Guiness Book, sur la piste d'essai de Nardo, afin d'atteindre les fameuses 220MPH. La voiture plafonnait à 212,3MPH (341,7km/h.) Heureusement pour le "big cat", le Guiness avait fourni Ray Charles et Stevie Wonder. Les ingénieurs démontèrent les échappements (sous le regard éberlué de Top Gear, qui filmait) et elle atteint cette fois 217,1MPH (349,4km/h.)
En juin 1992 (soit 7 ans après le premier brainstorming), la production démarra enfin.
La production s'arrêta en 1993, après 250 voitures. Aston Martin avait récupéré l'usine, afin d'y produire la DB7 (conçu par l'équipe de la XJ41.) Il y avait pas mal d'invendus. Aux 24 heures du Mans, l'ACO courrait après les engagés. Du coup, il créa une catégorie GT. C'était un inventaire à la Prévert, avec des Carrera Cup, des Venturi Trophée, des Lotus quasiment d'origine et une Ferrari 348 Challenge ! TWR engagea trois XJ220 "compétition". Celle de pointe était confiée à John Nielsen, David Brabham et David Coulthard. Le responsable technique avait remarqué que les voitures n'avaient pas de catalyseur, auquel Tom Walkinshaw répondit qu'il avait droit, car il courrait selon les règles de l'IMSA. La voiture N°50 du trio remporta la catégorie. Comme prévu, lors des vérifications, la voiture fut disqualifiée, faute de catalyseurs. Walkinshaw fit appel et un fax de l'IMSA confirma ses dires. Mais l'appel avait été déposé trop tard.

Après cela, John Nielsen, un ancien des XJR, accepta l'offre du banquier Thomas Bscher de courir avec lui sur une McLaren F1 GTR. Le duo remportant le BPR 1995. David Brabham pilota la Simtek F1, en 1994 (les mauvaises langues disaient que c'était parce que "Black Jack" Brabham était coactionnaire du team.) Une saison marquée par la mort de son coéquipier, Roland Ratzenberger. Ce dernier se tua lors des essais d'Imola. Le lendemain, lors de la course, Ayrton Senna périt à son tour. David Coulthard hérita de la Williams du Brésilien, le point de départ d'une brillante carrière.
Walkinshaw, lui, revendit ses XJ220 S. Il relooka quelques XJ220 invendues pour en faire des "TWR XJ220 S" de route. Plusieurs exemplaires apparurent en GT. Le patron fut embauché par Flavio Briatore comme N°2 de Benetton, puis co-N°1 de Ligier, avant de racheter Arrows...

Et désormais, grâce au grand retour de Jaguar, la XJ220 fait figure de "classique" et les prix commencent à flamber. De là-haut, Walkinshaw doit bien rigoler...
A quelques dizaines de mètres de là, Jaguar-Land Rover exposait une XJ220 de série. D'ici à ce qu'il fasse une "continuation" pour les 125 exemplaires prévus qui n'ont pas été produits...

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